« I have a very bad feeling about this. » LUKE SKYWALKER

Après avoir tourné American Graffiti en 1972, le jeune réalisateur George Lucas envisage une réadaptation de Flash Gordon, qui avait déjà été adapté en film à épisodes. Cependant, devant les exigences de la société propriétaire des droits d'auteurs, Lucas abandonne le projet. Il décide alors de travailler sur une histoire de science-fiction de son invention. Il rassemble ses premières idées en janvier 1973. Il y est question d'un Jedi nommé Mace Windy et de son disciple, le padawan C.J. Thorpe.

En mai 1973, George Lucas rédige un premier manuscrit de quatorze pages. Il le soumet aux sociétés de production United Artists et Universal qui le refusent. En juin, Alan Ladd Jr., vice-présidents de la société 20th Century Fox, approche George Lucas pour la lecture de son manuscrit. Alan Ladd est rapidement conquis mais ses associés relativement moins. En août, alors qu'ils sont toujours en négociation, American Graffiti sort dans les salles de cinéma. Le film rencontre un succès critique et public. Cette réussite permet à Alan Ladd de convaincre ses associés de signer le contrat de financement du film.

Peu de temps après avoir rédigé une troisième version de son scénario, George Lucas négocie avec la 20th Century Fox le droit de faire deux suites à son film. Il décide alors de consacrer du temps pour développer une trame de fond assez élaborée pour faciliter son futur processus d'écriture sur les autres films. Pour retravailler les dialogues dont il n'est pas satisfait, Lucas fait appel aux scénaristes de American Graffiti : Willard Huyck et Gloria Katz.

Nous sommes en 1976 et le tournage peut alors commencer. Il sera long et difficile, étalé sur trois pays en fonction des besoins : Tunisie, Angleterre et États-Unis. Entre temps, le travail de recherche sur la bande-originale amène George Lucas à engager, sur les conseils de Steven Spielberg, le jeune John Williams, qui vient de finir le score mythique des Jaws. Il embauchera également l’orchestre symphonique de Londres et les jazzmen Benny Goodman et Duke Ellington pour les morceaux qu’on entend dans la fameuse cantina de Mos Esley.

Le conseil d'administration de la 20th Century Fox inquiet à cause des retards du tournage met la pression sur George Lucas.

En découvrant le premier montage de son film, George Lucas est en état de choc. Il le trouve désastreux et demande au monteur John Jympson de le retravailler. Mais celui-ci refuse. Lucas décide alors de le renvoyer et engage à sa place Richard Chew, Paul Hirsch et Marcia Lucas. Cette dernière, qui est la femme de Lucas, avait travaillé sur les deux premiers films de son époux, mais n'était à l'origine pas disponible en raison de sa grossesse et était en train de faire les montages des films de Martin Scorsese. Elle accepte néanmoins de venir à la rescousse reprendre en main le montage du film de son mari. Les monteurs doivent rendre la narration plus claire et utilisent au maximum les meilleures prises pour rendre le film moins traditionnel.

George Lucas obtient que la sortie de son film soit repoussée de Noël 1976 à l'été 1977, à cause des retards importants pour le montage et les effets spéciaux de sa société, qu’il a créé pour l’occasion et qui deviendra un pilier de l’industrie, Industrial Light & Magic.

Une projection privée est organisé pour montrer Star Wars aux amis de George Lucas : Brian De Palma et Steven Spielberg. Ce dernier est tellement enthousiaste qu'il prédit un succès, qui aura effectivement lieu en 1977, date de sortie de Star Wars au cinéma.

Avec ce film, George Lucas réussira trois choses. D’abord réadapter le concept du héros mythique, en parlant de son sujet de prédilection : « Comment devenir un homme dans une société qu'on ne connaît et ne reconnaît pas ? ». Ensuite, redonner espoir à toute une génération de jeunes américains. Enfin contribuer, malheureusement, à la chute du Nouvel Hollywood.

À l'université de Californie du Sud, où George Lucas étudie, il lit l'essai de mythologies comparées : The Hero with a Thousand Faces de Joseph Campbell. L'auteur y développe la théorie du monomythe, tous les mythes du monde racontant la même histoire : celle du voyage du héros.

Reprocher à l'écriture du film de suivre les étapes établies par Joseph Campbell est légitime mais il n’empêche que le long-métrage de George Lucas reste avant tout le travail d'un auteur. Un argument qui se retrouve dès les premières minutes du film avec le texte bleu sur fond noir : « Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine... ». Avec cette formule rappelant le traditionnel : « Il était une fois » des contes de fée, Lucas inscrit, dès le début, son film dans l'univers du mythe.

Apparaît ensuite le titre de la saga qui s'éloigne de l'écran, instant magique pour le spectateur. Ce sortilège, George Lucas le doit au thème musical composé par John Williams. Le compositeur va permettre la renaissance des thèmes symphoniques dans le cinéma des années 70. Inspirés par le romantisme, John Williams et l'orchestre symphonique de Londres vont utiliser la technique du leitmotiv pour toute la saga : chaque personnage, lieu, entité aura sa propre identité musicale.

Il faut garder à l'esprit que George Lucas a compris les écrits de Joseph Campbell et prend le parti de faire de son film la relecture moderne des mythes classiques. Tout se retrouve dans cet état d’esprit : innover avec des concepts anciens, avec les différents protagonistes. Et voilà déjà un couple mythique du cinéma : C3PO et R2D2. A la fois messager et écuyers du chevalier, ils sont indispensable au héros. Moteurs initiaux de l'histoire, ils permettent au héros d'accéder à la première étape de son voyage.

Luke Skywalker est jeune, intrépide et rêveur, c'est l'archétype du héros en devenir incarné par un Mark Hamill totalement dans le personnage. L'ignorance du jeune homme permet l'introduction de la figure du mentor, ici l'ancien chevalier Jedi : Obi Wan Kenobi. Selon Joseph Campbell, ce guide peut être une petite créature, un magicien, un ermite, un berger ou un artisan. L'exemple le plus connu est celui de l'enchanteur Merlin, détenteur de grands pouvoirs magiques et ayant connaissance du futur du roi Arthur. Le cas de Kenobi ne déroge pas à la règle car il maîtrise une force mystique, connaît l'avenir et protégera Luke jusqu'à ce qu'il puisse progresser seul dans sa quête.

Comme dans tout mythe, particulièrement ceux choisis par George Lucas, le héros affronte une série d'épreuves pour sauver une demoiselle en détresse. Incarnée par Carrie Fisher, fille de Debbie Reynolds, celle-ci offre une prestation qui peut sembler, de prime abord, caricaturale : vêtue de blanc, cachée dans le vaisseau et en espérant échapper au combat. Mais dès que le vaisseau est investi, Leïa Organa devient une guerrière et fait face à Dark Vador sans hésitations.

Pour compléter le trio, Harrison Ford incarne Han Solo, un mercenaire moins manichéen que Luke Skywalker. La mort de Greedo en est le parfait exemple car sous la pression de son rival, il le menace de son pistolet, il tire le premier. Ce qui apparaîtrait comme un meurtre n'est en réalité qu'une question de survie, la galaxie est un endroit dangereux et bien plus complexe qu'une simple lutte entre le bien et le mal. Avec l'apparition de ce personnage, le spectateur peut choisir de suivre soit Luke dans sa quête identitaire ou Han Solo et son copilote Chewbacca à travers leurs aventures. Si l'écriture était de qualité, le rôle est surtout devenu mythique grâce à l'interprétation de Harrison Ford.

Tous différents, chacun des protagonistes s'adresse à un type de public : des enfants aux parents en passant par les jeunes américains en quête d'idéal. A nouveau, c'est un pari risqué pour le jeune réalisateur car si son mythe moderne ne conquiert pas, il aura perdu trois ans de sa vie, en comptant seulement l'écriture. Il ne faut pas oublier que la Fox, bien qu'ayant accepté de produire le film sous l'influence de Allan Ladd Jr., n'en espère pas un gros succès.

Mais que serait le film de George Lucas sans les effets spéciaux de la société Industrial Light & Magic (ILM). Supervisant personnellement les prises de vue des effets spéciaux, les équipes de ILM vont produire un an de travail en moins de six mois. Cette détermination portera ses fruits lors de l'attaque de L’Étoile Noire par les troupes rebelles. Les secrets de fabrications étant réservés à des passionnés, il suffit d'ouvrir les yeux et de vibrer devant les talents de pilote du jeune Skywalker. Comme dans le film, le héros courageux est récompensé pour son courage et sa ténacité.

Incroyable succès public, Star Wars obtint également le respect et l'admiration des professionnels. En 1978, le film remporta sept Oscars (Meilleurs son, musique, montage, costumes, effets visuels, décors et effets sonores). Un honneur rare pour les films de science-fiction, souvent ignorés par l'Académie des Oscars.

Star Wars est un film qui a marqué un tournant dans l’histoire du cinéma, et qui se base sur des mythes et des légendes pour en devenir une lui-même. C’est la confrontation entre le rationnel et l’irrationnel, ce que l’on juge par ce que l’on voit, et ce que l’on juge par ce que l’on croit. Une grande preuve d’audace, un rêve fou. En somme, un petit pas pour George Lucas, un grand pas pour le cinéma.

StevenBen
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le 27 mai 2024

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Steven Benard

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