Librement adaptée du roman d'H.G. Wells par un certain Barré Lyndon (sic) et réalisée par Byron Haskin (à qui l'on doit aussi la version de "L'Île au trésor" des Studios Disney), cette version de "La Guerre des mondes" est pas mal datée, mais néanmoins intéressante.
Notons d'emblée les faiblesses : une interprétation sans subtilité, des rôles de toute manière archétypés, un ton franchement puritain. Mais on peut toujours apprécier le Technicolor et les effets spéciaux de l'époque. La force du film, c'est de nous montrer une catastrophe qui ne cesse de s'amplifier. Les Terriens sont montrés comme organisés, courageux, persévérants... mais néanmoins totalement inefficaces face à ces Martiens belliqueux ! Autre paradoxe, ces extra-terrestres si développés technologiquement sont en revanche des brutes au niveau du comportement : ils ne cherchent pas à signifier leurs intentions ni même à communiquer ; ils se contentent de tout détruire sur leur passage, aveuglément, inlassablement ! Leur canon mortel évoque un cobra cruel et sans pitié. Dans ce contexte de Guerre froide, l'autre ne peut être qu'hostile et les pacifistes sont présentés comme des inconscients qui ne vivront pas assez longtemps pour comprendre leur naïveté.
Même si certains plans sont réutilisés et certains stock-shots un peu fatigués, l'habileté du réalisateur se retrouve entre autres dans la manière de donner un style documentaire à de nombreux passages ; l'exode des populations chassées par les envahisseurs en évoque d'autres, historiquement réels et récents en 1953.
Peu à peu, la fin du monde apparaît de plus en plus inévitable. On en arrive à des plans de larges avenues vides, qui deviendront un des canons du post-apo. Dans une des dernières scènes, Haskin ose enfin montrer l'arrivée du chaos, lorsque les véhicules de Pacific Tech, qui représentent le dernier espoir de vaincre les Martiens, sont pris d'assaut par des fuyards. L'humanité causant sa propre perte ! Quand le professeur Forrester (Gene Barry) tente d'en appeler à la raison, il reçoit pour toute réponse un violent coup de poing qui l'envoie au sol, tandis que le précieux matériel est jeté hors du véhicule, comme de vulgaires déchets !
Le puritanisme du film est particulièrement manifeste dans le final, quand les humains terrorisés n'ont plus d'autre espoir que de se réfugier dans les églises et d'y prier, tandis que destructions et explosions sont désormais toutes proches. Même si la résolution est clairement présentée comme une intervention divine, elle reste pleine d'ironie, les Martiens étant vaincus par un ennemi insoupçonné !
Le producteur George Pal réalisera quelques années plus tard une autre adaptation de Wells, elle aussi datée mais nettement plus réussie : "La Machine à explorer le temps".