Un vrai moment de cinéma.
Dès les premières images, les dés sont lancés, et on sait à quoi on aura affaire.
Sans même connaitre la vie privée du couple Valérie Donzelli/Jérémie Elkaîm.
D'ailleurs, il m'a fallu attendre le message "Pour Gabriel", situé avant le générique final, pour comprendre que ce film est éminemment autobiographique.
La Guerre est déclarée, c'est une ode à la vie, c'est la capture de moments précieux et intimes, c'est la brutalité de la maladie, ponctuée de crainte, de peur, de peine, de joie.
La réalisatrice possède un talent fou pour aborder un sujet aussi délicat, encore trop tabou.
Et elle le fait avec une ironie et un détachement qui dépasse toutes nos espérances.
Les deux acteurs, encore dans leur jeunesse insouciante, mettent du temps à se rendre compte de la gravité des évènements.
En fait, on a l'impression qu'ils ne savent jamais trop vraiment ce qui leur arrive.
Du coup, Valérie Donzelli expulse toute forme de pathos, pour laisser place à de l'humour froid, noir, presque morbide.
La lecture de l'horoscope, la scène où le couple s'avoue toutes leurs craintes, le cadeau porte-bonheur, les questions posées au chirurgien : toutes ces petites scènes, ironiques au plus haut point, nous font presque oublier la gravité de la maladie.
Même si elle aborde avec beaucoup de tact le cancer, son talent ne se résume pas à raconter sa propre histoire.
Elle est aussi l'excellente metteuse en scène de son propre scénario : les évènements s'enchaînent, les images défilent à toute vitesse, et certaines séquences sont vraiment splendides (notamment le sprint dans les couloirs de l'hôpital, ou encore lorsque le bébé se dirige vers la salle d'opération, emprisonné derrière les barreaux de son lit).
Elle n'oublie pas non plus de nous offrir quelques pics de stress lors d'attente de résultats.
C'est également avec beaucoup de sincérité et d'objectivité qu'elle filme la vie quotidienne d'un hôpital. Manque de lits, manque d'informations, des infirmiers pas toujours au courant de tout : elle rend un sacré hommage à ces héros qui occupent un poste vraiment pas facile dans la vie de tous les jours.
Arrêtons-nous enfin sur ces petits "trucs" en plus qui rendent le film si génial.
Tout d'abord, une Bande Originale vraiment originale, qui circule entre musiques classiques et musiques plus légères signées Benjamin Biolay, en passant par la présence de l'excellent Peter Von Poehl.
Et ensuite, l'utilisation intelligente de plusieurs voix off, qui offre différents points de vue. Les deux premières, subjectives, qui correspondent à la voix de nos deux héros, permettent d'obtenir leurs pensées les plus profondes. Et une troisième, objective, à la manière d'un Jean-Pierre Jeunet, qui permet d'avoir un oeil extérieur sur cette vie hors du commun.
Même si je suis moins convaincu par les scènes chantées (notamment celle du taxi, un peu kitch), par l'aspect volontairement "mécanique" donné parfois au long métrage (répétition de certaines scènes, de certains déplacements), et par certains autres choix un peu plus mineurs (leur première rencontre, pourquoi ils s'appellent Roméro et Juliette ?) je ne peux qu'être admiratif face au talent de Valérie Donzelli, qui a eu le cran et le courage de transposer avec génie un épisode douloureux de sa vie en fiction, et en compagnie de son homme, Jérémie Elkhaîm.