Personne n'achète un gars bien

La Horse c'est l'un des derniers rôles de Jean Gabin et l'homme y est comme à son habitude un monstre de charisme. S'il y a bien un acteur qui a su marquer son époque et les suivantes par son jeu habité, c'est assurément lui. C'est pas compliqué, il est le seul intérêt de ce film un peu trop poussif. Et c'est bien dommage, parce que tous les ingrédients étaient réunis pour un bon moment de revenge movie campagnard qui ne fait pas dans la dentelle. Mais il manque à cette tablée de jolies promesses une main capable, ou envieuse, de les mettre en scène. Et dans le cas de La horse, Pierre Granier-Deferre manque cruellement d'inspiration et d'idées dès qu'il s'agit de faire parler autre chose que le panache naturel de son premier rôle.

Or l'avantage premier d'un revenge movie, c'est justement ce moment où la mécanique d'écriture qui a fait en sorte qu'on s'énerve avec les différentes victimes arrive à son point de rupture. L'originalité du film de Pierre Granier-Deferre c'est que ce point de rupture ne sera finalement jamais atteint, puisque son personnage revanchard n'est pas de ceux que l'on peut impressionner. C'est plutôt agréable d'ailleurs. Voir Gabin martyriser du dealer parisien égaré sur ses terres est assez jouissif. On regrette juste que ce ne soit pas imagé avec plus de savoir faire.

Parce qu'en l'état, dès que les fusils se mettent à chanter, on n'y croit plus. Pierre Granier-Deferre se laisse dépasser par ses envies, ou par sa non envie, de doter son film de séquences énervées un brin crédibles. De la première exécution au fusil de chasse à l'ultime explosion causée par un cocktail Molotov maison, ce n'est pas maîtrisé. La caméra ne sait pas ou se placer, les acteurs semblent un peu perdus, en résulte une cacophonie visuelle qui ne permet pas au film de hurler comme il le devrait.

Il faut donc se contenter de la présence naturellement passionnante du grand Gabin. Cela suffira aux amoureux de cette tronche à qui le cinéma français doit tant, et dont je fais partie, indéniablement. Mais on sort tout de même du film passablement déçu : autant de belles promesses non tenues, c'est assez triste. Il y avait vraiment tout de réuni pour une jolie récréation, une ambiance campagnarde bien sèche, un Gabin à la mâchoire expressive et un pitch suffisant pour laisser éclater un chouette choc générationnel à base de chevrotine. Il faut se contenter d'un feu de paille qui ne laisse brûler que l’allumette ayant tenté de le faire prendre. Arf.
oso
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le 3 juin 2014

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