Il parait que ce film fut honni par la critique (professionnelle) et fut un succès auprès du public. Eh bien moi, j'ai dû le voir des années plus tard à la télé et j'ai été réellement scotché par ce film. Aujourd'hui encore, c'est un film, dense, qui ne m'est toujours pas indifférent. Même le connaissant en détail pour l'avoir vu pas mal de fois, je savoure encore certaines scènes, certains numéros d'acteurs, certaines réparties.
C'est un western français ; d'ailleurs la preuve c'est que l'action se passe en Normandie, dans l'Ouest ... Arrêtons là mon délire, je vais finir par donner des boutons à certains ...
Reprenons un peu tout ça. "La horse" est l'adaptation d'un roman noir français de Michel Lambesc (Série Noire Gallimard publié en 1968). Le roman, que je me suis procuré après avoir vu le film, est d'ailleurs un peu plus noir que ne l'est le film.
Le film relate donc l'histoire d'un propriétaire terrien normand, Auguste Maroilleur, aux prises avec une bande de trafiquants de drogue qui utilisent son gabion en baie de Seine pour y planquer de l'héroïne, la "horse". Puis il arrivera un moment où il aura maille à partir avec la justice qui s'étonne de disparitions et de phénomènes étranges et inexpliqués qui se produisent chez lui.
C'est aussi le portrait de ce propriétaire, "maître après Dieu" en son domaine, magnifiquement rendu par un Gabin plus bougon et mutique que jamais. Quelques années après, on le retrouvera dans un rôle analogue dans "l'affaire Dominici".
"Maître après Dieu" car personne ne moufte une fois qu'il a causé et décidé. Les gendres sont tout juste tolérés "je n'aime pas que mes employés me mettent devant le fait accompli et épousent les filles de la maison" ou encore lorsque le gendre se rebiffe "je suis son père, j'ai le droit de savoir", il reçoit en retour "et moi je suis son grand-père et vous n'avez aucun droit".
Auguste est un personnage au caractère entier, massif, abominable, invivable (qui aujourd'hui accepterait le dixième du traitement qu'il inflige à sa famille ?) mais il est incroyablement fascinant !
La terre. La terre, d'abord, la terre surtout. "Non, monsieur le juge, je vous l'ai déjà dit, pas sur mes terres, sur la route qui traverse mes terres"
A un gangster qui le prend un peu à la rigolade "Maintenant, ça suffit, Pépé, va falloir devenir un peu raisonnable sinon on va s'en prendre à la petite famille", le père Auguste lâche un coup de chevrotine en plein buffet stoppant net les menaces...
Finalement, c'est ça qui fascine le spectateur ! Le fantasme absolu et impossible de se faire justice soi-même sur des malfaisants qui n'hésitent pas, eux, à jouer avec la vie d'autrui et qui n'ont aucun scrupule avec les lois et la justice. On n'est plus dans le registre normal où on va sagement porter plainte auprès de la police et faire ouvrir une instruction qui aboutira on ne sait quand. Là le fantasme, c'est qu'on prend le problème à bras le corps et on le règle définitivement. Tout de suite.
Au delà du personnage de Gabin, il y a tout un contexte très bien dépeint dans le film de cette campagne normande et les riches terres du marais Vernier, les différents propriétaires qui se connaissent tous de longue date mais qui ne voient rien de ce qui est au delà de leurs terres.
Cette campagne riche et humide où les gangsters, des citadins, dégueulassent leurs godasses dans des bouses de vache ou dans des trous de boue.
Le reste du casting sont des bons seconds rôles dont certains connus comme Christian Barbier, André Weber, Julien Guiomar, Pierre Dux, Reinhard Kolldehoff, ...
La musique est signée Serge Gainsbourg et accompagne bien les différentes scènes du film.
Oui, en conclusion, je n'hésite pas à dire que "la horse" est un très bon film et un film fascinant qui interpelle.