Je commençais à être inquiet, depuis quelques Lubitsch.
Certes presqu'à chaque fois amusant, bien joué, assez libre dans le ton. Agréable et plaisant, oui oui. Mais toujours le petit manque (de rythme, de surprise...) qui empêche le grand plaisir. Qui bloque le réel panard. Le total coup de foudre en suspens.
Et puis le voilà, le premier vrai gros coup de cœur.
En parcourant les quelques critiques sur SC qui émaillent ce bijou de drôlerie, je m'aperçois avec effroi que certain n'ont rien vu de valable à ces "huit femmes de barbe-bleue".
Comment ? Rien à relever ?
Moi quand je vois :
- un vendeur de grand magasin (où on parle toutes les langues sauf l'américain) qu'il faut montrer dans toutes les écoles de vente
- un directeur de ce même magasin qui confirme les statistiques farfelues d'un client difficile
- un collaborateur qui, pour se faire pardonner d'avoir oublié de rentrer de vacances, devient secrétaire, tape un courrier lettre par lettre, dit "bonjour" quand il arrive à la ligne ET fait 500 mètres à la nage pour se faire préciser la formulation de la missive (formidable jeune David Niven)
- Gary Cooper (brièvement) avec des moustaches
- un baiser aux (petits) oignons
- une bassine Louis XIV (qui N'EST PAS mort de la petite vérole)
- des dialogues qui fusent à un rythme que ne renierait pas Lars Ulrich ("it's a deal!" "It's a bargain !" "It's a scandal !")
- Une tentative non fructueuse d'épellation à l'envers le mot Tchécoslovaquie.
- Shakespeare qui sert à gérer une crise de couple, pendant que de la poésie, elle, doit aider aux petites siestes de l'après-midi.
- un marquis aussi charmant que vénal d'une vivacité rare (que Gary résume parfaitement en disant : « vous aviez l'expérience il avait l'argent. Ensuite, vous aviez l'argent, il avait l'expérience ! »)
- une histoire de couple qui part sur de mauvaises bases (des moitiés de pyjama) et une lune de miel en bois
... je me dis qu'il y en a qui :
-soit sont d'une extrême mauvaise foi
-soit ont de la fiente de rhinocéros sur les paupières.
Pour ma part, j'ai plutôt envie de m'esclaffer et, en concession à nos plus jeunes lecteurs et leurs expressions favorites, de m'écrier: "et la... y a rien, là ?"