La formule présente dans La Passion Van Gogh est répétée en partie par Dorota Kobiela et Hugh Welchman : c'est par rotoscopie que les images de La Jeune fille et les paysans sont générées et animées, dans un second temps, après un premier tournage en décors et en acteurs réels. Le résultat visuel est époustouflant, on passe un bon moment au début à simplement contempler les tableaux s'animer sous nos yeux tout en songeant à la technique utilisée pour atteindre un tel résultat. On atteint presque la limite du procédé ici — avec lequel personne ne peut vraiment être parfaitement familier il me semble, les longs-métrages réalisés de la sorte se comptant probablement sur les doigts d'une main : en plus des deux déjà cités, seuls deux autres me viennent à l'esprit, A Scanner Darkly de Richard Linklater et Téhéran Tabou de Ali Soozandeh — en ce qui me concerne, car à de très nombreuses reprises, sur la durée, c'est presque comme si on voyait les images réelles derrière les peintures, avec un filtre très réaliste appliqué par-dessus. L'effet de surprise produit n'est pas du tout désagréable, bien au contraire, mais à la longue on en vient à se questionner sur l'intérêt profond d'une telle méthode et, de la sorte, on quitte de temps en temps le récit.
Là où La Passion Van Gogh avait un petit côté enquête documentaire, ce second film est quant à lui adapté d'un roman polonais (Władysław Reymont reçut le Prix Nobel de littérature au début du XIXe siècle à cet effet) qui plonge dans un village de campagne en pleine ébullition autour d'une femme prénommée Jagna. Elle est amoureuse d'un jeune paysan, lui-même déjà marié, mais c'est au père de ce dernier, riche propriétaire terrien, qu'elle sera contrainte de se marier, mettant en place les conditions pour un double adultère. C'était un roman assez avant-gardiste en matière d'émancipation féminine et de rejet des traditions locales, et il faut reconnaître que l'esthétique du film épouse admirablement bien l'évolution des émotions, au gré des saisons qui rythment l'effusion des sentiments.
Quelques scènes sont incroyablement hypnotisantes, comme par exemple celle des danses traditionnelles le jour du mariage qui interpelle vigoureusement autant par la menace qui enfle soudainement autour de la jeune femme que par la dimension esthétique captivante qui illustre le travail des quelque 150 artistes (chaque image est peinte à la main, il faut tout de même un peu de temps pour l'intégrer) qui ont travaillé sur le projet. Ces tableaux accompagnent agréablement la tragédie vaguement shakespearienne qui se noue dans un coin de campagne paysanne polonaise, à mesure que la jalousie et la haine des uns et des autres se développent, comme inéluctablement, avec pour point de chute une séquence finale particulièrement difficile. Très belle ultime image, à ce titre, d'un corps nu sali par le regard des malveillants et lavé par la pluie au milieu des champs.
N.B. : On peut penser aux travaux de Rino Stefano Tagliafierro en matière de court-métrage animé, avec Beauty et Peep Show, dans lesquels il introduisait de légers mouvements au sein de grands tableaux.
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