Que celle qui n'a pas eu envie de se jeter sur la première boîte de coloration rousse après avoir visionné ce film me jette la première pierre.
On parle du charme d'Emma Stone, ou bien ?
Bon, c'est pas comme si je le découvrais avec ce film, mais enfin, la lumière du chef opérateur de La La Land enfonce très clairement le clou et achève de magnifier son (très) mignon minois.
J'ai eu un peu peur, les premières minutes. Tout ce cirque music-hall sur la quatre-voies, très peu pour moi, trop clichouille, trop Grease, trop artificiel. Et puis, et puis, il y a l'humour, le second degré, l'autodérision du duo Gosling/Stone et ça, je pense que seuls ceux qui n'ont pas de cœur peuvent y résister... C'était sans compter sur ces couleurs fluo, ces robes acidulées, ces lumières merveilleuses qui font de chaque scène presque un tableau... Les yeux, déjà, sont ravis d'assister à ce feu d'artifice visuel qui fait met tant de vie et de beauté dans chaque coin de l'espace.
Ensuite donc, la musique. Damien Chazelle aime les puristes prêts à tout sacrifier pour leur art, habités par le rythme et les notes, qui ne vivent que pour en faire naître et en vivre, envers et contre tout. On l'a vu dans l'extraordinaire Whiplash, on le voit ici dans l'hommage très touchant qu'il rend au jazz.. Quelqu'un peut-il me dire si Ryan joue vraiment du piano ? Il est en tous cas très convaincant dans la peau de ce passionné sans le sou pour qui la roue finira - peut-être - par tourner.
Mais si ce film a tant plu, tant fédéré, enthousiasmé, conquis les foules, ce n'est pas uniquement pour ses qualités esthétiques ou sensorielles - au demeurant fort appréciables. C'est aussi parce qu'il embrasse de grandes thématiques universelles qui, si elles ont été incarnées récemment par l'American dream, n'en demeurent pas moins valables de tous temps.
Nous pourrions résumer ce qui agite les deux personnages en une seule question biblique :
"Et que sert-il à un homme de gagner le monde, s'il perd son âme?"
C'est en substance ce que Mia reproche à Sebastian lorsqu'elle estime qu'il se fourvoie et brade sa passion au profit d'un groupe qui ne lui ressemble pas... Doit-on être prêt à tout pour connaître la réussite individuelle ? Réussir dans la vie ou réussir sa vie ?
Et puis, il y a bien sûr, cette très belle histoire d'amour - ah, ce duo au piano sur City of Stars, d'une mélancolie joyeuse à vous tirer des larmes- qui m'a fait penser, dans son déroulement peu conventionnel et dans son dénouement aigre-doux, au non moins touchant 500 days of Summer qui, lui non plus, ne craignait pas de colorer de mélancolie ses amours contemporaines.
Un film gouverné avec bonheur par une gaieté contagieuse et un certain réalisme magique (qui évoque Disney) qui permet de valser dans les étoiles jusqu'à minuit en se promettant la lune (ah, le potentiel romantique du planétarium..), de s'aimer en virevoltant d'un jour à l'autre les yeux dans les yeux et puis, parfois, de se quitter quand même...
La La Land semble avoir entendu cette phrase de Prévert :
"L'amour de la musique mène toujours à la musique de l'amour.."