Ce western atypique, réalisé en 1972 par Philip Kaufman (L'Invasion des profanateurs, L'Étoffe des héros, Soleil levant) a, déjà, la particularité de ne pas encenser le personnage de Jesse James. Ici, on s'intéresse même davantage à son complice Cole Younger, avec qui il dirigea durant une quinzaine d'années le gang James-Younger, responsable de nombreux braquages de trains et de banques au Missouri et dans les états voisins, des dernières années de la guerre de Sécession au raid manqué sur la First National Bank à Northfield, Minnesota, en 1876. Alors que Cole, campé par Cliff Robertson, est présenté comme un individu charismatique et plutôt sympathique, Jesse, interprété par un jeune Robert Duvall, est glacial et calculateur.
Loin des hagiographies habituelles sur ces gentils guérilleros sudistes qui volent aux riches (les banques, la compagnie des chemins de fer) pour donner... à personne, en fait, The Great Northfield Minnesota Raid présente les bandits sous un jour plutôt sombre, d'une manière presque documentaire. Sur fond de modernité grandissante (les trains, les premiers engins agricoles, les machines à vapeur ou à essence), le film se veut une chronique mélancolique de la fin d'une époque. En témoigne également ce passage long et limite burlesque d'un match de base-ball, sport national émergent, qui finit immanquablement par tourner au pugilat général. Nouvel Hollywood oblige, on n'échappe pas enfin aux reflets des préoccupations de l'époque, de la libération sexuelle (la scène du bordel) à l'ingestion d'une substance visiblement psychotrope (juste avant).
Servi par un excellent duo d'acteurs principaux (même si Robert Duvall en fait un peu trop par moments), baigné dans une ambiance un peu glauque et particulièrement pluvieuse, La Légende de Jesse James est un western intéressant, pas forcément palpitant ni spectaculaire, mais très représentatif de son époque.