La Légende de Manolo par cloneweb
Le Jour des Morts, dans la culture mexicaine, est très différent de la culture européenne : ce sont deux ou trois jours de fêtes et de réjouissances, très colorées, et très éloignée de ce qui se pratique sur le vieux continent. Dans la pop culture, seul le jeu vidéo a mis en scène cette ambiance si particulière avec l’indispensable Grim Fandango sorti en 1998 chez Lucasarts. Coté cinéma, il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent, du moins jusqu’à maintenant et la sortie de la Légende de Manolo.
Le nouveau film de Jorge Gutierrez raconte l’histoire d’un triangle amoureux entre deux hommes et une femme. Leur histoire va se retrouver au coeur d’un pari entre la Muerte, qui dirige un royaume coloré où les morts se réjouissent d’y vivre et Xibalba, sorte de mix entre Jaffar d’Aladdin et Hadès dans Hercules, qui dirige le royaume des oubliés, où errent les âmes des disparus dont personne ne se souvient. Les deux divinités se choisissent un champion et le vainqueur gagnera le royaume des morts.
On en dira pas d’avantage sur l’histoire pour ne pas déflorer les rebondissements de l’intrigue mais il faut savoir que le film s’ouvre sur une scène contemporaine, montrant un groupe d’enfants visitant un musée et ayant droit à une visite un peu spéciale, centrée sur le jour des morts, où l’histoire va leur être racontée. Cette mise en abyme, bien trouvée, permet d’abord de s’adresser aux plus jeunes dans la salle de cinéma et de dé-dramatiser le rapport qu’on peut avoir avec la mort dans la société occidentale. « Non, être mort, ce n’est pas si grave et ce n’est pas forcément triste. Prenez le pour acquis dès le début du métrage et tout se passera bien » dit, en gros, le message du début.
Qui plus est, Reel FX n’étant pas connu pour le réalisme de son animation CGI (on se souvient avec douleur de Free Birds, précédent long-métrage de la firme), le procédé permet donc de raconter l’histoire du Livre de la Vie avec des personnage en bois. Oui, tous les héros de l’histoire sont des petites figurines articulées. Ça justifie donc pleinement le rendu visuel des textures difficiles à reproduire et permet un aspect proche de la caricature, ce qui offre quelques jolies trouvailles (un méchant « géant », des animaux comme sculptés dans du bois…), des personnages et des apparences finement ciselées.
Es-ce ça l’influence de Guillermo del Toro sur le film ? L’un des plus formidables conteurs d’histoire actuel a forcément participé à fluidifier une narration qui aurait pu être bien plus linéaire et beaucoup moins intéressante si elle avait été moins travaillée. On regrettera néanmoins que la visite du Monde des Morts proprement dit n’arrive que tardivement dans l’histoire, celle-ci se focalisant d’avantage sur les personnages (bien écrits). Qui plus est, cette visite est de courte durée puisque les héros sont vite amenés à faire différentes épreuves, ne nous laissant pas le temps de profiter.
Il faut ajouter à cela une bande originale proprement hallucinante puisque le héros, wannabe musicien, reprend de grands standards actuels à la guitare mexicaine. L’histoire se passe probablement quelque part au 19e siècle mais il chante quand même Do Ya Think I’m Sexy de Rod Stewart, I Will Wait de Mumford and Sons ou Creep de Radiohead (malheureusement traduites dans la version française). La musique utilisée est d’ailleurs dans la même veine puisque le film s’ouvre sur quelques notes faisant directement références aux contes de fées de Disney pour enchainer plus tard sur des compositions telles que Ectasy of Gold d’Ennio Morricone.
Au final, si l’histoire de La Légende Manolo est simple et que le film ne révolutionnera pas l’animation, il regorge de bonnes idées -à commencer par celle consistant à montrer qu’on peut se réjouir le 1 novembre, qu’on est pas obligés d’aller pleurer dans un cimetière lugubre- et de jolies trouvailles visuelles. Reel FX et Jorge Gutierrez montrent un vrai potentiel et on suivra avec intérêt le développement de leurs prochains projets. En espérant pour eux qu’ils arrivent à être désormais autonomes et à se trouver une place dans un monde déjà bien occupé par les studios d’animation. Pour autant, profitez donc des vacances pour aller y jeter un œil, entre les Boxtrolls et Astérix.