Le succès commercial et artistique des adaptations de Ku Lung par Chor Yuen ne pouvait pas laisser indifférent le petit monde du cinéma martial de la fin des années 70. Dés 1978, les imitations déboulent sur les écrans. Parmi celles-ci, on trouve The Legendary Strike du vétéran Wong Fung. Toujours fidèle, le vieux réalisateur s'entoure de ses protégés : Carter Wong et Angela Mao. Par contre, il perd un élément de poids (c'est le cas de le dire !), son chorégraphe attitré, Samo Hung, qu'on imagine trop occupé à peaufiner ses propres réalisations.
Le premier réflexe qui vient à l'esprit à la vision de The Legendary Strike, c'est de le comparer aux œuvres du réalisateur de Clans Of Intrigue ou Legend Of The Bat. Et le résultat n'est pas vraiment à l'avantage du film de Wong Fung. Sans la puissance d'une major comme la Shaw Brothers pour soutenir sa production, The Legendary Strike n'a pas les moyens de rivaliser avec les superbes décors de studio qui ont fait la réputation de la compagnie de Run Run Shaw. Le film doit se contenter d'une photographie basique et recourir intensivement aux extérieurs. Wong a heureusement du savoir faire et il exploite bien ses décors, donnant de la profondeur à ses plans et n'hésitant pas à cadrer large. Reste que le visuel est tout de même bien moins marquant que dans les films de Chor Yuen.
La gestion de l'intrigue tourne également à l'avantage des travaux du réalisateur de la Shaw Brothers, même si cela ne se joue qu'à des petits détails. Les ingrédients de base sont les mêmes, typiques de l'œuvre de Ku Lung : Trahisons, loyautés changeantes et autres coups fourrés en cascades. L'enjeu de l'histoire étant la perle (qualifié de relique de Bouddha sans qu'on sache bien pourquoi) sur laquelle chaque camp veut mettre la main. Au contraire des mondes quasi fantastiques décrits par Chor Yuen, Wong Fung s'appuie sur des bases historiques plus réalistes pour élaborer son histoire en intégrant le classique affrontement Ming/Ching à son récit et en le complexifiant par la présence d'autres camps : Japonais, Coréen ou moines Shaolin. Dans l'ensemble, l'intrigue fonctionne très correctement : Les révélations s'enchaînent bien, le récit conserve un certain rythme, les personnages ont des motivations intéressantes... Le seul bémol, qui prouve la supériorité de films comme The Sentimental Swordsman ou The Magic Blade, tient au manque de clarté des agissements et motivations de certains personnages. Ce problème concerne essentiellement le prince. [Spoiler] On ne saisit pas vraiment ce qui pousse ce puissant membre de la famille Royale à doubler son propre camp alors que son seul but semble être de récupérer la relique, ce qu'il a le plus de chance de faire en travaillant avec ses hommes plutôt que contre eux. Voudrait il blâmer un autre groupe tout en s'appropriant secrètement la relique ? On peut le supposer, mais où cela le mènerait il ? On ne l'apprendra pas dans le film. Ces motivations sont probablement explicitées dans l'histoire originale de Ku Lung [Fin de spoiler]. A noter aussi une conclusion qui laisse un petit goût d'inachevé...
The Legendary Strike n'est heureusement pas inférieur à tous les niveaux par rapport à ses prestigieux modèles. La distribution du film par exemple est de qualité. A la place de Ti Lung, on a droit à Chu Kong et si ce dernier n'est pas un artiste martial équivalent, ses capacités d'acteur et son charisme n'ont rien à envier à ceux du héros de A Better Tomorrow. A ses cotés, Angela Mao délivre une solide performance d'héroïne combattante (mention spéciale à sa première apparition dans un cercueil) et Carter Wong est un excellent vilain, tout en autorité et menace diffuse. Chen Sing, véritable vétéran du genre, nous gratifie aussi d'une bonne prestation, tout comme les artistes martiaux de service (réduits à des rôles assez courts), Casanova Wong en tête.
Les combats sont également dignes d'éloges, cela malgré l'absence de Samo. A l'image du film, leur orientation est plus réaliste, plus proche du sol que ceux des Wu Xia Pian fantastiques de Chor Yuen. Il y a bien quelques sauts surhumains nous rappelant l'univers original de Ku Lung mais en quantité très limité. Plus étonnant est l'accent mis sur les combats à mains nues. Ce type de chorégraphies occupe la majeure partie du film, apparentant The Legendary Strike plus à un film de Kung Fu qu'à un Wu Xia Pian au sens traditionnel du terme. La qualité étant au rendez vous, on ne s'en plaindra pas. Les combats sont énergiques et bien mis en scènes, techniques également quand les interprètes peuvent se le permettre. Samo aurait probablement pu signer des chorégraphies plus intenses et précises mais cela reste de l'action de bon niveau.
En tant qu'adaptation de Ku Lung, The Legendary Strike est indéniablement inférieur à des films comme Killer Clans ou Jade Tiger. Pour autant, cette tentative d'exploitation du filon s'avère solide, garantissant un agréable moment au spectateur, tout spécialement pour les amateurs d'intrigues à tiroirs comme les affectionne l'écrivain Chinois. Cette garantie de qualité minimale est une des caractéristique les plus attachantes du cinéma de Wong Fung.