Le justicier est réalisé par Satsuo Yamamoto qui malheureusement n’a pas réalisé d’autres épisodes de la saga. Ce volet est particulièrement réussi. L’intrigue est plus complexe que la plupart des autres épisodes et il est particulièrement tragique. Les lignes de dialogues sont riches.
Dans cet épisode, nous trouvons deux parrains qui tiennent des maisons de jeu mais qui adoptent une attitude différente vis à vis de la paysannerie ainsi qu’un yakuza, Ohara, qui a renoncé à manier le sabre et qui explique ainsi son choix à Zatoichi : « Si j’avais une épée, la terre risquerait d’être souillée ».
Ohara est un personnage central dans cet épisode. Devenu partisan de la non violence, il est devenu aussi une sorte de « parrain » des paysans. Il leur enseigne comment planter le riz de manière à ce que les récoltes soient meilleures, il les dissuade de boire, de fréquenter les maisons de jeu. Et il leur enseigne comment résister par la non violence. Il apporte dans cet épisode une dimension politique à une époque où le pouvoir se partage et se dispute entre l’empereur et le shogunat. Arrêté par le gouverneur sous prétexte de vouloir renverser le pouvoir parce qu’il aide les paysans, il se défend en disant :
la paysannerie est notre trésor. Sans elle notre pays s’effondrerait. Les aider, c’est servir notre grand pays. L’empereur et le shogunat n’ont plus de sens .
Paroles qui le condamnent aux yeux du gouverneur qui n’est pas prêt à entendre son discours.
Comme dans l’épisode 13 : La Vengeance, lors de sa rencontre avec le prêtre aveugle, Zatoichi se trouve interrogé par Ohara sur son mode de vie. Zatoichi déjà torturé par sa conscience porte en plus le poids de ce discours qu’il ne trouve pas le moyen de faire passer dans sa vie, et il répond : « moi je n’ai que le sabre ». Il se sent prisonnier : « chaque être humain naît avec son karma ». Et son karma à lui c’est d’être condamné à manier son sabre… Mais pas n’importe comment : « si je ne tuais pas, c’est moi qui serais tué. Et puis, je fais en sorte de ne tuer que des méchants ».
Sa vie est également questionnée par Oshino dont Zatoichi a tué le frère et le fiancé au cours d’une embuscade. Elle frappe Zatoichi et lui reproche :
Assassin ! Tuer c’est facile pour toi car tu ne vois ni le sang, ni le visage de la sœur qui vient de perdre son frère. Tu es aveugle, voilà pourquoi tu peux assassiner de sang froid !
Terribles paroles qui pèsent comme un fardeau sur les épaules de cet homme qui ne trouve pas la porte de sortie pour échapper à sa condition.
Zatoichi apparaît plus que jamais comme un être condamné à son sabre. Il fuit et tente de mener une autre vie mais sans succès… De plus, il est dupé ici par l’un des personnages. Ceux qu’il voulait aider sont au contraire plongés dans le malheur parce qu’il s’est laissé trompé. Lorsqu’il comprend la situation il surgit tel un justicier assoiffé de vengeance. Alors que ses adversaires pensent l’avoir tué, il revient les affronter comme un homme revenu des enfers et se montre sans pitié. Le visage résolu, et ensanglanté. Lorsqu’il reprend la route, c’est un Zatoichi titubant, blessé et couvert de sang qui marche sur le chemin, un homme écrasé par son « destin », par ce chemin sans fin qu’il n’arrive pas à quitter.