Très étonnante rencontre avec les débuts cinématographiques de la légende du masseur aveugle Zatoichi, pour qui aurait pensé que cette saga serait apparentée à l'autre série de films dirigée en grande partie par Kenji Misumi, Baby Cart, dans les années 1970. La série B s'illustre ici par la sobriété de sa narration et le classicisme de sa photographie (le génial noir et blanc inimitable du cinéma japonais de la décennie 60s, saillant dans ses contrastes acérés), avec Shintarō Katsu à la place de Tomisaburo Wakayama dans le rôle du protagoniste qu'il vaut mieux ne pas trop embêter malgré sa cécité.


Point de départ d'une longue série de 26 épisodes qui n'arbore aucun attribut du cinéma bis, ou du moins qui parvient à les dissimuler habilement. Il faut oublier absolument tous les résidus baroques que l'on pouvait associer aux expérimentations de Misumi : ce premier volet de la saga La Légende de Zatoichi intitulé Le Masseur aveugle s'avance avant tout comme un drame tout ce qu'il y a de plus classique, dont les aspérités typées chanbara se retrouvent reléguées dans l'arrière-plan, au détour de quelques séquences minoritaires — mais certes marquantes. Étonnamment, il y a tout un pan qui a trait à de la comédie pure, et c'est même par-là que le film s'ouvre, en montrant Zatoichi gros taquin jouer un tour à des samouraïs cupides qui voulaient profiter de son handicap (il est aveugle, donc) pour l'arnaquer à un jeu de dés. De nombreuses petites scènes jouent sur le même tableau, en le montrant ricaner sincèrement face à la démonstration de lâcheté d'un énième samouraï peu intègre, quel que soit son camp.


Premier volet et premières pierres d'un portrait singulier, ce masseur aveugle démontrant des capacités hors du commun dans le maniement du sabre comme dans l'appréhension de son environnement, ses autres sens étant sur-développés. Les scènes de baston se font rares, mais comme souvent dans cette configuration la fureur se libère en un éclair — on se rappellera l'affrontement nocturne dans une forêt et le duel sur un pont contre celui qu'il avait appris à connaître au cours de parties de pêche. Sympathie éminemment paradoxale, au-delà de la frontière séparant les clans ennemis, qui se soldera par un combat très singulier manifestant divers signes d'amour. C'est dans un geste presque homoérotique qu'il offre à son adversaire malade une mort digne, au combat. Roublard, potache, habile, respectueux et mélancolique : décidément, un samouraï hors des sentiers battus.


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Morrinson

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