L’affiche est alléchante, convenez-en :
• Ermanno Olmi, le surprenant cinéaste italien (Le Métier des armes).
• Rutget Hauer, le fabuleux Hollandais, héros de Blade Runner (qu’Harrison Ford me pardonne).
• Joseph Roth, l’extraordinaire écrivain autrichien mort en exil, alcoolique, à Paris (La marche de Radetzki, Le poids de la grâce). Enterré selon le rite « catholique-modéré », car sans justificatif de baptême, sa mémoire fut revendiquée aussi par les légitimistes autrichiens que les communistes et les juifs.
• Le tout reçu le Lion d'or à Venise en 1988.
Andreas Kartak est un réfugié polonais clochardisé. Un mystérieux inconnu lui offre deux billets de cents francs, à charge pour lui de les rendre, quand il le pourra, à la statue de la petite Thérèse de l’église Sainte-Marie des Batignolles. Dans un Paris déserté et sans âge, Andreas tente de s’acquitter de sa dette. Il croise des enfants de cœur en surplis rouges, quelques bourgeois pressés, un agent de police souriant, des barmans silencieux, une danseuse peu farouche, un boxeur, des poivrots, des clochards… et Thérèse. L’argent et ses portefeuilles vont et viennent. Andreas est aussi généreux qu’intempérant. Il s’arsouille méthodiquement au rouge cinq étoiles dans un improbable bougnat du bord de Seine. J’imagine que toute l’équipe a levé le coude, car la caméra tremble, les couleurs sépia bavent, les cloches et les grandes orgues s’emballent. Nous découvrons un Rutget Hauer fataliste et fiévreux, fort éloigné du demi dieu réplicant. Il remonte le temps et affronte ses démons intérieurs dans une réalité altérée où souvenirs, rêves, fantasmes, réalité et rédemption se mêlent pour notre plus grand bonheur. Le film et le roman éponyme s’achèvent sur ces mots : « Que Dieu nous donne à tous, buveurs, une mort aussi douce et aussi belle ».
PS Le 23 mai 1939, Joseph Roth s’effondrait devant le Café Tournon. Conduit à l’hôpital pour indigents Necker, il y mourut quatre jours plus tard. Il avait 44 ans.