La Ligne Rouge n'est pas un film de guerre.
C'est un film sur les hommes à la guerre, les hommes et la guerre. Il ne s'attarde pas sur les combats, sur la violence mais sur comment les hommes tentent d'échapper à celle-ci, s'y résignent ou s'y perdent.
Malick dresse des portraits, des choix, des décisions d'hommes. L'action, encore une fois, se réduit à une peau de chagrin. La plupart des scènes se situent en amont ou en aval du combat. C'est un récit de l'attente de la mort ou de la survie.
Malick est un mystique. Il filme une nature splendide, sur des paradis perdus. Il filme des visages d'enfants, de femmes et d'hommes tantôt pleins d'espoirs, tantôt malheureux. Les atolls et le climat tropical, rien de commun avec la noirceur de la guerre, associée au froid, au noir. Il renverse les codes et nous offre des combats au "paradis" si je puis dire, entouré de nature luxuriante, d'animaux tropicaux et d'enfants indigènes.
La musique est tout simplement incroyable, enivrante, lente. Elle imprègne et infuse le film jusqu'à atteindre son apogée au cours de l'assaut du village tenu par les japonais. Quelle scène terrifiante. Ici, les combats sont brefs. Les japonais sont vites en déroute. Nous voyons alors ces gamins qui lâchent leur fusils en pleurant de douleur, assourdis par les bruits des canons et des mitraillettes, fermant les yeux ou tremblant de peurs. On regarde leur visage terrifié, perdu. Malick est un des premiers a montré une objectivité sur le regard porté aux japonais. Eux aussi sont des hommes, et non des monstres kamikazes. Eux aussi pleurent, eux aussi hurlent, eux aussi doutent.
La guerre chez Malick est donc dans ce film un portrait psychologique. Il nous montre la guerre à travers des contrastes et la suggère dans l'attitude de ces personnages. C'est un réalisateur descriptif. Une image est autant porteuse de sens qu'une série d'actions et le point de vue interne adopté, lorsque les personnages expriment leur pensée montrent que la guerre n'est pas uniforme et que ce ne sont pas les faits qui font la guerre mais ceux qui la vivent et qui décident du sens à donner à leurs actions.