Terrence Malick est un cinéaste qui s'est forgé une solide réputation avec ses 2 premiers longs-métrages : "La Balade Sauvage" en 1973 puis avec "Les Moissons du Ciel" en 1978. Pendant 20 ans, il a disparu du monde du cinéma et peu de renseignements ont fuité sur cette période ce qui a contribué à installer une sorte de fascination pour le personnage.
Par conséquent, tout le monde attendait impatiemment son grand retour. Ce fut un événement dans la planète Hollywood ce qui lui a permis de réunir un incroyable casting constitué d'une pléiade de stars et de jeunes talents. Parmi les plus connus, on peut citer : Sean Penn, Adrien Brody, Georges Clooney ou encore Woody Harrelson qui s'illustre actuellement dans l'excellente série "True Détective". Mais quel est ce fameux film ?
Il s'agit de l'adaptation cinématographique d'un roman de James Jones : "The Thin Red Line". Ce film de guerre américain a remporté l'Ours d'Or de Berlin en 1999 et a reçu une flopée de nominations aux Oscars. Terrence Malick nous entraîne en plein coeur de la 2nde Guerre Mondiale. Plus précisement en 1942, lors de la grande bataille de Guadalcanal dans le Pacifique. Conflit armé qui a opposé les Américains aux Japonais. Nous allons vivre une véritable épopée d'un groupe de soldats américains qui souffrirons, découvrirons des facettes inconnues de leurs êtres mais surtout perdrerons un semblant d'eux-mêmes.
L'œuvre s'ouvre magistralement par une scène évocatrice : de magnifiques plans d'une île paradisiaque dans laquelle des autochtones vivent en parfaite harmonie avec la nature environnante. Le jeune soldat Witt partage, pour quelques instants, la vie cette tribu de pêcheurs et les observent avec émerveillement. Ce début apparaît comme une ode à la vie où Terrence Malick se préoccupe simplement de filmer naïvement la beauté du monde. Nous sommes plongés dans une atmosphère calme et sereine où la musique de fond (Une sorte de chant joyeux, quasi-religieux) provoque une sensation d'apaisement qui nous dispose parfaitement pour la suite. Ces 1eres scènes m'ont véritablement subjugué et j'ai compris d'entrée de jeu que je me trouvais devant un chef d'oeuvre.
Tout le long, le cinéaste développe un caractère contemplatif en filmant la nature dans toute sa diversité et sa richesse. La Faune et la Flore sont sublimées par une maîtrise technique incontestable : des travellings lents et envoûtants au raz des herbes, la musique orchestrale et lancinante de Hans Zimmer, des plans extrêmement bien composés, des contres-plongées dans la forêt dans laquelle la lumière naturelle surgit de grands arbres, ou encore de nombreux fondus-enchaînés.
La suite du film va permettre d'établir un contraste radicale entre la guerre et la nature. Les paysages idylliques se transforment en un cimetière géant dans lequelle les soldats se retrouvent ainsi prisonniers. Cette partie du film est ponctuée de scènes de guerre prenantes mais ultra-violentes car elles sont d'un grand réalisme. On assistra à l'agonie insoutenable de bon nombre de soldats.
Jamais la voix off n'a été aussi bien utiliser. Elle n'est pas utilisée pour un seul et simple personnage mais pour l'ensemble des soldats. Cette voix représente en fait, la voix de l'âme humaine que ce soit pour des paroles philosophiques qui concernent les hommes ou des paroles poétiques qui illustre et sublime l'image. Quoi de plus normal en temps de guerre, que les soldats se livrent une permanente réflexion sur la mort mais également les grandes questions métaphysiques.
Le long-métrage dénonce l'absurdité de la propagande américaine classique, en partie faite par l'armée qui revendique la notion de famille et d'union en temps de guerre. Il est matérialisé dans le film par le discours de Georges Clooney vers la fin du film : "Les soldats sont des frères, le commandant un père. Il faut s'entraider quitte à se sacrifier." Absurdité car la guerre est entièrement fondée sur la désunion entre 2 éléments.
Mais le film constitue surtout une réflexion sur le mal. Au delà de tout clichés manichéins classiques, le mal est ici représenté par la guerre. Celui-ci va détruire l'équilibre entre l'homme et la nature et donc l'unité du monde en se livrant à une division. Il s'avère que le contraste expliqué précédemment montre que le mal s'avère absurde. On pourrait vivre en communion avec la nature mais l'irrépressible besoin de posséder (ici des terres) pousse l'homme à gacher cette opportunité. Mais ce n'est pas la nature qui en souffre car l'homme qui meurt reviendra finalement à la nature.
En conclusion, je vous recommande vivement ce chef d'oeuvre du cinéma contemporain. Malick a su bien épargner les détails historiques de la guerre pour se concentrer sur l'aspect humain afin de livrer un message d'une puissance philosophique rare. L'aspect poétique omniprésent ainsi que le réalisme des scènes de combats réussira à vous transporter et je l'espere à vous émouvoir.
Terrence Malick n'a perdu ses 20 ans en murissant un film qui est sans doute l'un des meilleurs films de guerre de l'histoire du cinéma et l'une des pellicules les plus marquantes des années 90, à n'en pas douter.