Sur le cul ! Terrence Malick m'a littéralement laissé sur le cul pendant pas moins de 2h50 ! Papa, j'ai un nouveau film de guerre préféré !
Pourtant, le scénario pourrait tenir sur un paquet mou de clopes américaines puisque celui-ci s'appuie sur la seule reconstitution, au milieu d'autochtones incrédules, du débarquement de troupes américaines sur l'île Pacifique Sud de Guadalcanal, en 1942, et de l'assaut de la crête stratégique d'une colline défendue par l'ennemi Japonais, jusqu'à s'enfoncer plus profond dans la jungle et au lit d'une rivière de tous les dangers...
D'emblée, une voix-off nous fera part de réflexions parfois profondes qui ne nous lâcheront plus jusqu'à la fin. Car effectivement, ce qui différencie La Ligne Rouge de bon nombre de films de guerre, c'est son aspect contemplatif : philosophie de guerre et sublimation de la nature devenant les maîtres mots d'un voyage extatique nous reposant de séquences militaires plus traditionnelles. Mais le truc, c'est que son visuel supplante tout ce qui avait été fait jusque-là : chaque arbre, chaque herbe, chaque animal, chaque coup de vent, chaque goutte d'eau, se retrouve transcendé par la caméra de Terrence Malick ; chaque visage aussi... Et pour ce qui relève du casting, c'est une pléiade de grands acteurs que nous découvrirons au fur et à mesure, avec une mention spéciale pour Nick Nolte et Jim Caviezel (que je redécouvre ici), totalement habités dans deux rôles opposés, l'un cynique, l'autre humaniste... Sans oublier le personnage nihiliste de Sean Penn.
Et pour le coup, les scènes de guerre m'ont scotché comme jamais : on y est ! Mais vraiment quoi ! Tragique, épique, la tension à son maximum, on se surprendrait presque à tenter d'éviter les balles ! En même temps, la découverte de deux premiers corps mutilés particulièrement gores, et les premières pertes, parfois surprises, nous font bien comprendre que rien ne nous sera épargné. Parce que c'est ça la guerre. Surtout lorsqu'on ne voit plus que son absurdité : "Tout ce foutoir, c'est pour la propriété !"
Aussi, le film évoque la culpabilité du hasard, le sentiment de culpabilité de celui que les balles et les grenades n'atteignent pas ; mais surtout, l'hypocrisie hiérarchique lorsque les décorations, et autres rapports positifs aux élites restées bien au chaud au pays, servent de carotte ou de compensation au service de la politique de chair à canon du lieutenant-colonel Tall. "La guerre est un mensonge, et ils veulent que tu meures ou que tu mentes avec eux."
Aussi, "La guerre ne rend pas les hommes plus nobles, elle en fait des chiens !" Des chiens abandonnés, lorsque le souvenir magique de l'amour s'envole à l'incapacité de solitude d'une femme ; mais surtout des chiens battus, lorsqu'ils s'en vont, même victorieux, d'insupportables visions et questions plein la tête...
Alors en dehors d'une ou deux petites longueurs aux 2/3, la virtuosité des images de Terrence Malick, alternant avec ingéniosité entre spectaculaire, philosophique et poétique, sur fond de tragédie (bien aidée par la musique d'ambiance), font à mes yeux de La Ligne Rouge LE chef-d'oeuvre inespéré du film de guerre. Chef-d'oeuvre puisant sa force dans une alchimie des genres.