Ambiance musicale
La fille du 14 juillet n'était pas un accident. Avec la loi de la jungle, Antonin Peretjatko démontre qu'il est un auteur à part, un artiste intelligent et sensible qui prouve qu'on peut produire autre chose dans le genre de la comédie que des étrons boursouflés.
La loi de la jungle s'ouvre sur une scène surréaliste où une statue de Marianne survole la jungle guyanaise suspendue à un hélicoptère avant de chuter lourdement entre les arbres. Le ton est donné. Tout au long du film, Peretjatko tisse une histoire qui ne cesse de surprendre car elle ne s'abandonne jamais à la facilité et change continuellement de registre. Fable satirique et politique, La loi de la jungle est un film protéiforme qui mute sans cesse et se renouvelle à chaque scène. Si le propos développé par Peretjatko et ses scénaristes gravite autour des absurdités de notre société et ses excès, le film sait emprunter d'autres voies que celles purement militantes. On suit donc les pérégrinations de Marc Châtaigne, stagiaire au ministère de la norme, chargé d'avalisé le projet Guyaneige, première station de ski indoor du territoire. Derrière l'absurdité de la mission et ses conséquences, c'est bien l'incompétence des élites que Peretjtko dénonce ainsi qu'un système aberrant qui accouche de situations ubuesques. Sans jamais se monter prétentieux, abscons ou vulgaire, le film met en scène la bêtise, la vraie, celle motivée uniquement par l'égo.
Le film est d'autant plus jubilatoire qu'il ratisse large et n'épargne pas grand monde. Notre belle gérontocratie à la française apparaît sous ses meilleurs atours. Amalric et Bidaud s'amusent à égratigner nos chers élus, la belle idéologie capitaliste subit quelques outrages par le biais de Rodolphe Pauly et Pascal Legitimus pratique le cynisme light couleur locale. Mention spéciale à Fred Toush qui incarne un huissier jusqueboutiste capable de découper un piano à la tronçonneuse sur la b.o. De Goldorak. Une des grandes forces du film est sa structure qui enchaîne les situations et les gags sans jamais sombrer dans le redondant et où le rythme sait se faire plus tendre pour accueillir quelques effusions poétiques.
C'est un plaisir quasi enfantin de suivre Châtaigne et Tarzan dans leur parcours initiatique. Chaque scène est toujours façonnée autour d'une idée, d'une invention, d'un propos. Esseulés et livrés à eux même, les personnages de Vincent Macaigne et Vimala Pons surmontent les épreuves, progénitures attardées d'une société en souffrance. Car jamais le danger, la bêtise ou l'absurde ne naissent d'une nature guyanaise pourtant hostile mais bien d'une administration bouffie et sa cour de sujets idiots. Si la nature obstrue la progression de nos anti héros c'est souvent pour les rapprocher et les unir comme dans la sublime scène de la chenille accordéon. Cette poésie naïve émeut car elle s'adresse à notre part d'enfant. La loi de la jungle reste un film frontal qui ne tergiverse pas, laissant les intellectualisants et les snobinards sur le bord de la piste. Peretjatko fusionne le burlesque, le contestataire et la poésie pour accoucher d'une œuvre atypique qui raisonne par moment comme celles de Chaplin ou Tati. Un film qui fait un bien fou. Merci Antonin et vivement la station balnéaire tropicale au Groenland !