L’intelligence de Metri Shesh Va Nim consiste à nous convaincre de l’absurdité d’une loi – celle qui condamne à mort quiconque est surpris à consommer ou à vendre de la drogue au-delà d’une certaine quantité – par la redistribution permanente des rôles qui s’y opère, à laquelle correspond une liberté esthétique et tonale fort à propos. Nous avons l’impression de voir entremêlés des films issus de genres différents : polar nerveux lors de la traque initiale, pamphlet politique, documentaire sur les conditions de détention des prisonniers, réflexion sur le service de son pays par le biais d’un policier dont l’incorruptibilité ne suffit pourtant pas à le préserver en accord avec ses principes moraux.
L’art du long métrage réside aussitôt dans l’entrelacs de l’individuel et du collectif : sa façon de placer ses personnages dans des espaces remplis de masses populaires que l’on déplace d’un endroit à l’autre, qui partagent une même déshumanisation, incarne par la mise en scène l’injustice fondamentale d’une loi qui non seulement ne résout pas les problèmes liées à la drogue, mais qui place les individus dans une position de coupables par défaut. Il suffit de voir la facilité avec laquelle les accusations glissent depuis Naser vers Samad pour apprécier ce règne de la suspicion collective.
Le film a l’audace de révéler l’inutilité d’une loi qui empire les choses ; ce faisant, il déplace la question de la drogue non en se contentant d’en punir les détenteurs, mais en exhibant les fractures et les incomplétudes d’une société qui pousse ses citoyens à en consommer comme seule échappatoire accessible à la précarité environnante. Une œuvre très aboutie, remarquablement mise en scène.