Il aurait fallu un pied. A cette caméra qui suffoque. A ce chef op qui peine caméra à l'épaule à fixer ces personnages. Parce qu'y a pas besoin de faire reportage pour faire social. Parce qu'on n'a pas besoin d'une image qui tremble pour être immergé. Surtout quand c'est bien écrit et que le choix de cadrage est parfait. Serré sur un mec qu'on n'aurait jamais remarqué. Cerné par ceux qui jugent, ou plutôt par ceux qui conseillent, mais en fait qui jugent quand même. Qui se permettent, "mais c'est pour vous que je dis ça", de redire à la rédaction de son CV, à son bouton de chemise ouverte, à sa façon de parler, à son crédit de maison, au prix de son mobil-home, à la motivation de son fils... Là, collé à son visage, on le regarde, lui qui regarde les autres. Les plans sont longs. Lindon est dedans, à chaque instant, même quand il est hors champ. Ça fait mal de regarder si longuement les gens quand ils sont impuissants. Parfois, ceux qu'il regarde, c'est la femme et l'enfant qu'il aime. "Ceux qu'on aime" répète la banquière et donc qu'on doit protéger par une assurance décès. "Il faut penser à l'avenir". L'avenir c'est donc crever. Reste à bosser dans un supermarché. Et voir les autres mourir d'humiliation et d'humilité. Pour de vrai.