Vincent Lindon vient d’obtenir le Prix d’interprétation masculine, au dernier festival de Cannes, pour sa prestation dans ce film social de Stéphane Brizé. Ce prix récompense-t-il réellement la prestation du comédien dans un rôle assez monolithique, loin d’autres performances plus intenses ? Ou récompense-t-il le film et son discours antilibéral ?
La Loi du Marché ressemble par moments à une caricature des parcours de milliers de chômeurs en France : Pôle Emploi et désespoir. Vincent Lindon y joue beaucoup l’abnégation et la résignation : le Thierry qu’il incarne ravale sa colère à chaque scène, plutôt que de la laisser exploser. La caméra, toujours proche – on pense au cinéma de Jacques Audiard –, ne juge jamais le personnage. Le film devient ainsi témoin neutre des dégradations contre lesquels Thierry se bat, plus que pamphlet passionné.
Que lâche un homme dans les mois d’inactivité ? Quelle part d’humanité préserve-t-il à l’écart de cette société qui ne sait comment, ni ne souhaite, le réinsérer ? Dans une ambiance pesante, La Loi du Marché nous fait traverser plusieurs mois de la vie de Thierry. La reprise d’activité, après les mois de casse morale, s’insère de manière si fluide dans la narration qu’on ne le saisit pas immédiatement, et n’est pas aussi salvatrice que Thierry l’espérait. Le film pose alors subtilement la question de nos implications, conscientes ou non, dans un système économique qui choisit toujours d’oublier l’humain. Qu’abandonnons-nous pour survivre ?
Matthieu Marsan-Bacheré