Voici un film quasiment impossible à juger tant il est bourré de défauts et pourtant, selon moi, à voir absolument. Kornél Mundruczó n'est pas un inconnu, surtout à Cannes où chacun de ses films parvient à trouver une place dans telle ou telle sélection. Cependant c'est en 2014 qu'il a réellement explosé en remportant le Grand Prix à Un Certain Regard pour son "White God".
Cette année il était encore présent, et cette fois en sélection officielle, avec cette "Lune de Jupiter", film passionnant autant qu'irritant. Mundruczó est Hongrois et comme tous ses petits contemporains de l'Est, on pense forcément à Zviaguintsev, use et abuse de la parabole, de l'allégorie sur-signifiante pour décrire l'état de décomposition avancée de son pays.
Il balance donc du film politique, mais aussi social (les réfugiés, le terrorisme), fantastique (son réfugié préféré se découvre le don de voler après s'être fait abattre par un ripou très très ripou), mystique ou religieux (on ne sait pas trop), mais aussi du pur film d'action. Et c'est d'ailleurs dans ce domaine qu'il semble le plus doué : course-poursuite, gunfight, attentat, quand ça défouraille, le mec semble prendre un pied monumental, et donc nous avec.
Vous l'aurez compris, le garçon a beaucoup de choses à dire et c'est bien là le problème. Il jette tout un peu en vrac et c'est à nous, spectateurs, de faire le tri, d'essayer de comprendre les messages qu'il tente de faire passer par caisses de 12. Même si le film dure un peu plus de deux heures, le tout enveloppé dans la belle mais envahissante composition de Jed Kurzel, fatalement aucun sujet n'est creusé, aucun personnage, sauf le docteur paumé-minable assez amusant au final, n'est réellement incarné, en particulier celui qui devrait jouer le rôle de héros, oui oui c'est ça, le réfugié volant, dont on ne connaîtra finalement rien d'essentiel.
Vous êtes un peu paumés en me lisant ? Tant mieux, vous avez ainsi un avant-goût du film, fourre-tout maladroit, TROP généreux, d'un réalisateur qui semble, rassurez-vous, aussi perdu que ses personnages, nous et son film.
Mais alors pourquoi le conseiller ? Tout simplement parce que le Korné semble avoir de l'or dans les mains. Certaines scènes sont tout bonnement sidérantes de virtuosité sans qu'on sache véritablement si on se trouve face à un grand metteur en scène ou un technicien très très malin et doué. Mais après tout qu'importe, le cinéma étant dans mon esprit une histoire de sensations, je peux vous promettre que plusieurs passages (La scène d'ouverture est un des trucs les plus incroyables visuellement que j'ai vu depuis bien longtemps) vous font faire écarquiller les yeux très très grand, accélérer les battements de votre cœur.
Petite question qui me taraude, posée à celles et ceux qui ont vu (ou verront) ce film : comment interprétez-vous la scène finale, assez nébuleuse il est vrai ? A la sortie de la projection mes interlocuteurs étaient pour le moins perplexes concernant cette épilogue, et pour tout dire, je me suis vite aperçu que ma théorie était très "personnelle".
NB : Vu en avant-première dans le cadre du merveilleux festival "Les Bobines de l'étrange" - Sortie nationale : 22/11/2017