Initialement conçu comme un film d’anticipation, la dernière œuvre de Kornél Mundruczó se transformera, au grès d'évènements de notre société, en drame contemporain. Trois ans après White God, il revient donc pour la 18eme édition de l'Arras Film Festival afin de nous partager sa dernière création.
Ouvrant sur un saisissant plan-séquence retranscrivant une tentative, pour des migrants, de traverser une frontière, le réalisateur capte instantanément notre attention. On suit ce périple dans son intégralité, créant ainsi une tension à chaque instant et installant d’emblée une atmosphère âpre à son univers.
Au travers de cette scène, la caméra se concentre au fil des minutes sur un jeune homme, Aryan, venant d’être séparé de son père. Les bases sont ainsi posées. Les scènes suivantes introduisent le reste des protagonistes et vont permettre de dessiner plus finement l’intrigue générale de l’œuvre.
On se retrouve à suivre un duo d’antagonistes. D’un côté, le jeune homme apatride mue par des sentiments humanistes (trouver son père et un refuge pour se reconstruire). Le second homme est un docteur, désabusé par son monde, aux motivations purement vénales.
Ce couple imparfait va créer une certaine dynamique de dépendance/répulsion devenant très vite le cœur du récit. Leurs objectifs divergeant vont les mettre face à des situations souvent tragiques et parfois poétiques.
Le fil rouge, ainsi que sa trajectoire narrative est, certes convenu, mais suffisamment rythmé pour qu’on se laisse entraîner dans ses péripéties. D’autant que l’ensemble est superbement réalisé.
En effet, le point fort de La lune de Jupiter est assurément la justesse de sa mise en scène. Outre le recours à des plans-séquences fluide décuplant les émotions retranscrits sur pellicule, Kornél Mundruczó varie les procédés en fonction de la scène et son environnement.
On retrouve, dans cette bobine, des traveling latéraux , du shaky cam ou encore des caméras en vue subjective. Chaque parti-pris est pertinent et permet de nous faire ressentir la tension ainsi que la sensation de danger immédiat vécus par ces personnages.
Seuls les moments de lévitation offrent un répit bienvenu dans ce monde anxiogène. Ces instants donnent la sensation d’assister à un ballet où le temps est suspendu durant la prestation de notre jeune homme. L’auteur laisse ainsi le spectateur reprendre son souffle avant de l’entraîner dans les méandres d’une société malade.
L’ensemble est techniquement impeccable et transforme ce récit en un excellent moment de cinéma. On ressort de la séance légèrement bouleversé par ce rollercoaster cinématographique. La noirceur de ce monde couplé à la faculté de l’auteur à nous impliquer dans chaque action de notre duo crée une alchimie envoûtante. Cette dernière nous confronte à une dualité entre la fascination plastique de la forme et la répulsion de cette vision de notre société comme toile de fond.
Le prochain projet de Kornél Mundruczó est un thriller horrifique écrit par Max Landis avec Bradley Cooper en tête d’affiche. On espère que l’auteur aura assez de liberté pour mettre à profit son talent.