L’une des nombreuses lunes de Jupiter s’appelle Europe, comme cette Europe que des milliers de migrants tentent, au péril de leur vie, de rejoindre chaque jour en y espérant une vie meilleure, meilleure que les conflits, les dictatures et la misère. Aryan est l’un de ces migrants, syrien d’origine, venu avec son père en Hongrie en croyant à cette vie meilleure, à cette autre vie possible. Au moment de traverser la frontière, il se fait tirer dessus, échappe à la mort et découvre qu’il a le pouvoir de léviter. Aidé par le docteur Stern qui décide d’exploiter, financièrement, ce don miraculeux, les deux hommes vont très vite se retrouver dépassés par les évènements.
Kornél Mundruczó se sert de la situation actuelle des migrants comme un point de départ, presque comme un prétexte. La lune de Jupiter n’entend pas disserter sur le sort effroyable de ces femmes, de ces hommes et ces enfants qui fuient leur pays en acceptant le fait de tout perdre et de mourir. Le film parle d’abord d’une double renaissance, d’une double résurrection. Celle d’un médecin cynique qui ne croit plus à rien, sinon à l’argent, et celle d’un syrien pris pour un ange, capable soudain d’éventuels miracles. Et celle aussi d’un monde déshumanisé qui redécouvrirait la foi, l’empathie et une certaine innocence (le final avec le petit garçon).
Mais Mundruczó a tendance à mélanger un peu trop les genres et les sujets : thriller, fantastique, pamphlet social, quête spirituelle, les migrants, la décrépitude morale d’un pays (et par extension la politique conservatrice et anti-migratoire de Viktor Orbán), et même le terrorisme… En résulte un film hybride et brouillon, prenant soudain, inabouti souvent, dont le rythme a dû mal à suivre la construction chaotique. La mise en scène est à l’avenant, frénétique, alternant plans-séquences vertigineux, virevoltes autour des personnages et plans impossibles à faire (les scènes de lévitation, en plus d’être impressionnantes, sont magnifiques), et cette virtuosité-là, un rien inutile parfois (l’appartement qui se retourne), étonne comme étonnait celle d’Alfonso Cuarón dans Les fils de l'homme que cette Lune de Jupiter rappelle furieusement (crise mondiale et action divine, traque meurtrière et final guerrier), mais sans vraiment en tutoyer l’état de grâce.
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