Film de marionnettes en image par image (stop motion, si on veut faire critique sérieux qui s'y connait), court métrage de dix-huit minutes environ, muet mais doté d'une bande sonore constituée de bruitages et de musiques d'accompagnement très illustratives, réalisé en 1965.
Un humble artisan potier (ou céramiste, si on veut se la péter un peu) vit paisiblement dans une chambre misérable. Volets clos et porte fermée, il fabrique des pots très simples pour sa plante. Au moins jusqu'à ce qu'une main géante, envahissante et gantée de blanc apparaisse et l'oblige à fabriquer des représentations d'elle-même plutôt que ses pots de fleurs. L'artisan oppose une résistance ferme au monstre blanc qui utilise toutes les ruses, la tentation, la persuasion y compris pédagogiques aux travers des images de la télévision qui est introduit dans cet univers sous la forme d'un cadeau. Cependant, quoi qu'ayant rejeté tout cela, la télévision prend la porte aussi, le petit l'artisan finit par céder et se transforme en marionnette ahurie comme morte au bout des fils qui aboutissent à la main qui le dirige enfin. Dans une cage dorée, il sculpte dans le marbre blanc une statue à l'effigie de sa persécutrice, ce qui lui vaut lauriers, honneurs et médailles...
Difficile de classer le film, et même d'identifier la nature de son discours profond. A priori, j'aurais tendance à y voir une promotion de l'esthétique platonicienne qui fait passer l'artisan avant l'artiste. Mais c'est un point de vue simpliste qui n'explique pas tout. Surtout, on a affaire à un réalisateur tchécoslovaque, Trnka, qui vit en 1965 dans le bloc soviétique en plein milieu de la guerre froide. Il y a donc une dimension propagandiste qu'on ne peut pas ignorer. Aucun commissaire politique n'aurait laissé passer un scénario ouvertement contre l'état (totalitaire). Je pense qu'il faut y voir plutôt la condamnation de l'idéologie impérialiste du bloc de l'ouest qui demande aux artistes de glorifier sa propre image. Une des premières photos présentées sur l'écran de télévision n'est-elle pas la statue de la liberté. Alors peut-être ne s'agit-il pas exactement de glorifier l'image du bloc de l'ouest mais de glorifier le travail de la main elle-même, c'est-à-dire la main de l'artiste. Autrement dit, en opposant l'expression individuelle au besoin du groupe. Laissant supposer que tout ce qui provient du geste artistique, selon l'idéologie de l'ouest, est plus ou moins sacré du point de vue de l'art contemporain (il faudrait que je révise les théories Jdanovistes sur la fonction politique de l'art pour développer ce point).
Alors il doit bien y avoir un peu des deux thèmes dans le message. La vraie vie est celle d'un simple ouvrier, "fait ton travail camarade et soit heureux de le faire car le beau c'est l'utile, ne cède pas aux exemples délétères de l'ouest dont les artistes ne sont que des morts vivants téléguidés par l'idéologie".