Habile dans sa façon de réaliser son film fantastique avec peu de moyens, Tourneur livre une sympathique réadaptation du mythe de Faust. Ainsi sait-il instaurer une bonne petite ambiance dès le début, culminant avec l'entrée en scène de cette pauvre âme en peine. Il sait capter l'attention par un casting convaincant, et surtout le jeu habité de Pierre Fresnay, donnant la réplique à Pierre Palau, non moins impressionnant en diable enjoué et plutôt machiavélique.
La force du film repose surtout sur ses thématiques universelles portant sur l'ambition et la gloire, bien retranscrites à l'écran par la tentative vouée d'avance à l'échec de ce peintre peu talentueux mais décidé de bien paraître, une médiocrité que ne cessera de rappeler sa compagne qui voudrait elle aussi profiter de son succès. Ainsi, la séquence centrale de son pacte passe comme une lettre à la poste (malgré le surjeu du restaurateur, on se croirait dans Tintin), et la suite se fait logique, le plongeant vers une irrésistible descente aux enfers une fois venue l'heure des comptes.
Mais aussi inspiré soit-il dans le fond, La main du diable convainc un peu moins par ses effets. Pourtant, son esthétique inspirée de l'impressionnisme allemand révèle de belles choses, avec de jolis effets d'ombres murales, de grands tableaux torturés, ou encore cette fameuse séquence sur les anciennes victimes qui ouvrent une petite porte vers le passé tout en offrant un brin de considération au protagoniste. Dommage cependant que ce boulot formel ne soit pas plus constant, alors que La féline et Vaudou (réalisés par son propre fils, Jacques Tourneur) m'avaient plus impressionné en distillant du fantastique au sein même du quotidien. Tandis que là j'ai trouvé la tentative plus bancale, comme si on m'invitait de l'extérieur mais sans réellement parvenir à m'embarquer complètement.
Malgré tout, tous les ingrédients sont là pour passer un bon petit moment et ça reste une référence solide du genre, portée surtout par un solide casting, un scénario plutôt bien emballé, et qui montre encore une fois qu'il suffit d'un zest d'inventivité et d'implication pour faire vivre une telle histoire, mais je n'ai juste pas trouvé l'expérience transcendante, ce n'est pas faute d'avoir essayé (deuxième tentative et même envie de somnoler en approchant de la fin).