Comme déjà dit lors de la critique du roman qui servit de base au film de Georges Lautner, l'action se passe en vallée de Durance aux environs de Peyruis (04). Mais, la vallée étant aujourd'hui (en 1988) très urbanisée, je comprends bien que c'était difficile d'y tourner un film censé se dérouler juste après la première guerre mondiale. Le choix s'est donc porté sur le pays de Forcalquier ou le pays de Mane. Un truc marrant, c'est quand le cantonnier montre de la main "les Mées" (proche de Peyruis), la caméra se garde bien de pivoter pour suivre le geste car on risquait bien de ne pas les trouver …

Autre chose amusante, c'est le nom du notaire qui apparait sur la plaque au mur de son office : Magnan, du nom de l'auteur du roman…

Bon, c'était les quelques détails amusants car le film relate l'histoire tragique de Séraphin Monge, orphelin, qui retourne au pays après la guerre pour y apprendre qu'en fait sa famille fut sauvagement assassinée la nuit de la Saint-Michel, qui comme tout le monde sait, est le jour où à la campagne se règlent les baux annuels et les dettes.

Le film, comme le roman, est monté suivant la bonne vieille recette des tiroirs : la vérité évolue tout le long du film et n'est dévoilée à Séraphin (comme au spectateur) qu'à la fin …

C'est peu de dire que Lautner a soigneusement respecté l'atmosphère pesante et tragique du livre où les personnages sont empoisonnés par un passé qui ne parvient pas à s'estomper et que de vieilles superstitions entretiennent … On sent la peur que l'arrivée de Séraphin Monge fait ressurgir à l'image de ces tragédies grecques où l'arrivée d'Oreste à Mycènes, tel le Destin, délie peu à peu les langues.

Seuls les jeunes, qui n'ont pas connu ces temps obscurs, veulent enfin revivre après une guerre meurtrière …

La distribution est excellente et là encore, est tout-à-fait dans le ton du roman, ce qui me comble (bien entendu) …

D'abord Patrick Bruel dans le rôle de Séraphin Monge, l'orphelin innocent qui découvre peu à peu une vérité terrible. Je le trouve excellent avec son port d'anti-héros qui a survécu à la Grande Guerre sans une égratignure. Son regard pensif contraste bien avec sa détermination et sa personnalité en devenir.

Les trois jeunes femmes qui sont toutes amoureuses de Séraphin sont très bien choisies et correspondent bien à l'esprit du roman.

Anne Brochet joue le rôle de Marie Dormeur. Parfaite avec son jeu tout en douceur et en empathie avec son très beau regard. Le rôle que je préférais dans le roman.

Ingrid Held a le délicat rôle ambigu de jeune veuve de guerre, sœur de l'homme à la gueule cassée et femme entreprenante. Une réussite.

Agnès Blanchot joue le rôle de Rose Pujol (Sépulcre, dans le roman)

L'homme à la gueule cassée est interprété par Yann Collette que j'ai trouvé très bon en ancien soldat plein d'amertume mais qui renait soudain sous le regard de Rose.

Parmi les autres seconds rôles, Christian Barbier en cantonnier, collègue de Séraphin qui lui dévoile une partie de son histoire.

Très bon film qui restitue très bien l'atmosphère tragique du roman.


JeanG55
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le 21 nov. 2022

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