La Maison du diable par toma Uberwenig
Il fût une époque bénie dans le cinéma comme dans la littérature où l'effrayant n'était pas banni hors des limites de l'acceptable et où des artistes de qualité embrassaient des thèmes surnaturels avec sincérité et sensibilité.
Robert Wise est un vrai cinéaste.
Il signe avec The Haunting un de ses meilleurs films et de très loin un des meilleurs films d'épouvante qu'il m'ait été donné de voir.
Une jeune femme est contactée par un docteur qui désire effectuer une expérience dans un manoir dit-hanté, afin de prouver ou d'infirmer l'existence du paranormal
Elle saute sur l'occasion pour fuir une vie qui tombe en lambeaux et rejoint le docteur et son équipe pour un séjour dans un lieu maudit où chaque recoin murmure un secret ténébreux.
Scénario éculé, même pour l'époque, Corman s'étant déjà je crois attaqué aux adaptations de Poe, la Hammer donnant déjà dans l'horreur gothique, et les italiens n'étant pas en reste dans le domaine, entre Mario Bava qui a déjà su affirmer son style tout en découpage fin, éclairage et couleurs magnifiques au service d'histoires horrifiques classiques (les Trois Visages de la Peur, le Corps et le Fouet, ou le Masque du Démon), et une tradition naissante alimentée par Ricardo Freda, Antonio Margheriti, entre autres.
Et sans oublier bien entendu l'Espagne et les premiers films de l'excellent et frénétiquement prolifique Jess Franco, qui réalise au début des 60's de magnifiques films fantastiques classiques, bien loin de ses débordements psychédéliques quelques années plus tard, mais déjà emprunt de son sens de la subversion, de ses propres perversions, de sa marque.
Tout se passe ici dans une maison au passé chargé et à l'architecture absurde et vertigineuse, exploitée à merveille par le sens de l'espace et de l'image propre à Wise. Une mise en abîme intéressante entre la maison de scénario et celle dans laquelle le film a été tourné, les deux ayant eu leur lot de morts inexpliquées et d'évènements troubles.
On est perdu dans ce dédale d'images superbes, de grands angles troublants, et dans cette ambiance gothique qui n'a pas à souffrir d'une comparaison avec les plus beaux plans de la Hammer à la même époque.
Le savoir faire de Wise en terme d'exploitation de la structure du bâtiment n'est pas sans évoquer la maîtrise d'un Dario Argento au mieux de sa forme.
Ce qui frappe ici, c'est l'efficacité de Wise.
Il arrive à nous pétrifier en jouant simplement sur une ambiance sonore, entre grincements et grands coups sur les murs.
Nous sommes aujourd'hui dans une culture de la surenchère. Les choses doivent être montrées, exagérées, gorifiées si elles veulent toucher.
Wise nous rappelle que la subtilité, la qualité et le savoir-faire en remontreront toujours aux facilités de la démonstration, et qu'une scène bien montée fonctionnera toujours mieux que le meilleur des effets spéciaux posé là pour faire beau.