Le professeur retraité Norman Thayer (Henry Fonda) s'apprête à fêter son quatre-vingtième anniversaire. Avec sa femme, Ethel (Katharine Hepburn), ils se rendent dans leur maison de vacances à Golden Pond, dans le New Hampshire. Obsédé par sa fin prochaine, Norman lutte modestement contre la mort qui rôde (en consultant, comme s'il était encore sur le marché de l'emploi, les offres dans les journaux locaux). Sa mémoire commence à flancher. Il ne se reconnaît plus tout à fait dans le miroir, ni sur les photos en noir et blanc.


Les dialogues entre Norman et Ethel, saillies complices d'un vieux couple qui s'aime sur le ton de la plaisanterie amère, font souvent mouche. Katharine Hepburn est émouvante, avec son regard vague d'un bleu profond, son visage tremblotant et son sourire solaire, ses joues creuses et ses pommettes saillantes, son corps maigre. Henry Fonda, à la limite du cabotinage dans les premières scènes du film, parvient à nous bouleverser chaque fois que son personnage perçoit l'inéluctabilité de sa mort prochaine, et l'accélération de sa déchéance. La scène de la panique en forêt est forte, quand Norman se trouve tout à coup désorienté et ne parvient plus à rejoindre le chemin qui mène la maison.
Chelsea (Jane Fonda), la fille de Norman et Ethel, vient leur rendre visite avec son nouveau compagnon et le fils de celui-ci, Bill Ray Junior. L'anniversaire de Norman semble être un prétexte puisque Chelsea et Bill Ray vont demander au vieux couple de bien vouloir garder le jeune garçon de treize ans pendant un mois, le temps d'un périple en Europe et en amoureux. *La Maison du lac* nous dépeint alors l'évolution des relations entre le pré-adolescent et son papy de circonstances, d'un abord peu aisé dirons-nous. Ils vont apprendre à se connaître, s'apprivoiser.
Le film insiste, ce n'est pas inintéressant mais sans doute trop redondant et caricatural, sur les différences intergénérationnelles liées au langage. Bill Ray Junior parle de « rouler un patin », de « choper une nana », et bien sûr le vieux ne le comprend pas. Les différences de génération vont être gommées par la pratique d'activités aussi enthousiasmantes que la pêche à la truite arc-en-ciel et le Parcheesi... Le film a, de manière générale, une appétence fort lassante pour le comique de répétition, dont il use, à mon humble avis, plus par paresse que par nécessité (l'expression « gros bêta » sans cesse rabâchée). De la même manière, on se lasse rapidement des plans sur le lac, les plongeons, la végétation.
À part les bonnes prestations de Henry Fonda et Katharine Hepburn, que reste-t-il de *La Maison du lac* ? Les dialogues savoureux et les réparties cinglantes de Norman. Et c'est tout. La musique de Dave Grusin, piano et violon, est sirupeuse, emphatique, envahissante. Utilisée sur des vues de roseaux, d'oiseaux, de nénuphars, elle donne à l'ensemble l'allure d'un diaporama pour séance de relaxation. Les plans larges du lac sont pourtant beaux, comme ce coucher de soleil inaugural qui transforme les arbres en ombres. Mais la musique gâche le paysage, l'aplatit, l'édulcore.
Le chef opérateur, Billy Williams, a surexposé les premières séquences où le couple est devant la maison. La lumière du ciel est affreusement blanche, aveuglante. Sa photographie, le reste du temps, est terne et vieillotte. On déplorera un écroulement impardonnable du film (qui jusqu'ici s'avérait plutôt plan-plan) dans les vingt dernières minutes. Ni la référence au *Vieil homme et la mer* ni celle (très appuyée) au purgatoire ne sauvent la séquence de l'accident de pêche. Mais la faute revient surtout au rôle et à la prestation de Jane Fonda : les répliques et les situations qui font référence aux relations entre Norman et Chelsea sont très mauvaises (« Pourquoi cette ordure n'a jamais voulu être mon ami ? » dit la fille en voyant son père pêcher avec Bill Ray Junior), le sommet de la nullité étant atteint dans une ridicule scène de plongeon.
Ce sont encore Henry Fonda et Katharine Hepburn qui sauvent ce qui reste à sauver, dans la scène du malaise cardiaque (tout de même dispensable sur un plan scénaristique, et trop longue), avant que Mark Rydell ait l'idée malheureuse de nous proposer...un nouveau raccord sur un couple d'oiseaux.
Que Jane Fonda ait voulu profiter du film pour, sur un plan personnel, se réconcilier avec son père n'excuse en rien la bêtise des dialogues précités, ni la médiocrité de sa prestation. Que Henry Fonda ait trouvé là son dernier rôle et obtenu son premier oscar ne devrait pas non plus inciter à l'indulgence à l'égard du film. Il faudrait surtout se demander pourquoi la prestigieuse et sérénissime Académie des arts et des sciences du cinéma n'avait pas jugé nécessaire de récompenser le travail de Henry Fonda dans une œuvre plus consistante et aboutie. Il fut un grand acteur, c'est entendu. Mais *La Maison du lac* n'est pas pour autant un bon film.
MonsieurPoiron
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le 24 sept. 2020

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