La maison rouge est un thriller teinté d'une atmosphère fantastique (on pense parfois à Jacques Tourneur) qui possède la particularité, très rare à l'époque, d'être tourné en décors naturels, ensoleillés et rassurants le jour, menaçants, voir terrifiants la nuit. Nous sommes en plein ici dans le genre assez classique du thriller psychanalytique sur le thème du secret profondément enfoui et le réalisateur réussit une atmosphère de conte de fées (et les contes de fées sont le plus souvent inquiétants) où les symboles abondent : la jambe de bois (l'impuissance), la forêt interdite (la culpabilité, l'interdit sexuel), la maison rouge qui s'y cache (le sang du meurtre, le sang de la déchirure à venir de l'hymen), la passerelle brisée qu'il faut sauter (symbolisant le passage à l'âge adulte et aussi la déchirure de l'hymen). En bref, la campagne ensoleillée est le conscient, la forêt interdite l'inconscient. Si le film peut parfois paraître un peu « lourd », notamment en ce qui concerne l'amour incestueux qui dévore Pete (Edward G. Robinson), il faut tout de même penser que tout cela est assez audacieux dans un film américain de 1947. Par ailleurs, la splendide photo, très inspirée de l'expressionnisme allemand, et l'excellente interprétation hallucinée d'Edward G. Robinson, emportent sans problème l'adhésion à un film que Martin Scorsese considérait comme un des films les plus achevés de son époque. La copie restaurée de Rimini éditions est superbe mais le bonus de l'historien du cinéma, Christophe Champclaux, est bien décevant, préférant le mode Wikipédia à une sérieuse analyse du film.