En adaptant un roman de la littérature britannique, Karel Reisz ne fait pas dans la demie-mesure.
Le classique de John Fawles bénéficie non seulement de décors somptueux mais d'un couple d'acteurs qui fait rêver voire fantasmer tous les cinéphiles de ce monde. Harold Pinter, rien de moins, est chargé de l'adaptation.
Meryl Streep et Jeremy Irons (l'actrice sera récompensée pour sa performance et nommée aux Oscar), tous deux exceptionnels, incarnent deux acteurs, amants, qui tournent un film d'époque. Ils sont donc à la fois eux et leur personnage.
Une jeune femme mélancolique fait la connaissance d'un jeune homme sur le point de conclure un très beau mariage. Il tombe éperdument amoureux.
On suit donc la destinée de cette femme qui a été détruite par l'amour trop sincère qu'elle a donné à un homme qui l'a trahie. Blessée à jamais, dans cette époque ou une femme ne peut pas se compromettre ni se comporter avec spontanéité ni écouter les élans de son coeur. On peut comparer le personnage de Sarah Woodruff, de celui de Tess, personnage de Thomas Hardy, auquel Nastassja Kinski a prêté ses traits. Deux femmes trahies et abusées, brisées par la sincérité de leurs sentiments dans une époque qui exigeaient des femmes un sans faute.
Une adaptation n'a pas besoin d'être fidèle à la lettre à l'oeuvre dont elle s'inspire mais il faut qu'elle sache en capturer l'esprit et en restituer l'âme profonde. Ici, le spectateur est pris à partie, Reisz, en trahissant l'oeuvre originale lui rend le plus bel hommage possible.
Ce roman regorge tellement d'idées cinéma que des projets ont vu le jour dès sa parution; De Lumet à Forman en passant par Zinneman, le bébé est passé par de nombreuses mains. Helen Mirren, la magnifique actrice shakespearienne a d'ailleurs été pressentie avant que le rôle ne soit confiée à Meryl Streep. Karel Reisz, cinéaste trop méconnu, insuffle à cette histoire une idée de génie en la couplant à la vie parallèle de ses interprètes. A des plans d'une campagne victorienne magnifique se succèdent ceux du tournage d'un film. L'ironie des commentaires écrits dans le roman survient désormais du décalage entre les époques qui se côtoient. Une mise en abîme qui montre le talent des deux acteurs qui jonglent constamment entre les sentiments, le vécu des deux personnages qu'ils interprètent. Meryl passe à merveille de la figure sacrificielle touchante, émouvante et fragile à une égoïste froide, distante et calculatrice.
Un film à (re)découvrir pour tous les amoureux des acteurs et de la belle réalisation.
Rawi
9
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le 25 févr. 2014

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Rawi

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