Impuissance collective
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le 18 mars 2020
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Chaque année, environ 130 enfants meurent sous les coups de leurs proches. Ce film est l'histoire de l'un d'entre eux.
Ce film est l'histoire de Stella Dubois, interprétée par une bluffante Elsa Hyvaert. A 6 ans, elle découvre pour la première fois l'école à l'occasion de sa rentrée en 6e. Son rire sonne faux. Ses bleus et ses cicatrices, qui couvrent son corps, interpellent sa maîtresse, Céline Thibault (Isabelle Carré). Pour chaque blessure, pour chaque absence, Stella a une excuse : "Je suis tombée", "J'étais malade", "Je suis maladroite". Sa maîtresse ne veut pas le croire. Nous non plus. Son père répète inlassablement les mêmes excuses : "Elle est maladroite", "Elle a une maladie auto-immune", "Elle est maladroite". On se retrouve dans la tête de Céline Thibault : on a envie d'accuser les parents. Mais on n'a aucune preuve concrète. Et si on se trompait ?
En face, la mère, Laeticia Dubois (India Hair), incroyable dans son rôle. Parfaite devant tout le monde, on la sent épouvantable quand on a le dos tourné. Sans en être vraiment sûr. Et le père, Sylvain Dubois (Damien Jouillerot), admirable dans celui du patriarche aimant mais faible et tyrannique. A moins que l'on se trompe. Et si la petite Stella était vraiment malade ?
Mais ce film, c'est l'histoire de Marina Sabatier. En 2009, alors âgée de 9 ans, la petite Marina meurt sous les coups de ses parents. Jusqu'alors, son père arrive à justifier chacune de ses blessures, des versions corroborées par Marina elle-même. Après un séjour à l'hôpital qui révèle de graves blessures, confirmées par les services sociaux, elle rentre chez elle. Le 6 août, Marina Sabatier quitte enfin ce calvaire qu'elle connaît depuis trop longtemps. En fait, elle n'aura connu que ça. Durant sa courte vie, elle est battue, à coups de pied, de poings, de sangles. Elle est affamée, parfois pendant plusieurs jours. Elle est condamnée à vivre dans la cave, nue et bâillonnée. Parfois plongée dans des bains brûlants ou glacés. Ses pieds sont déformés à force de porter des charges lourdes sans chaussures. Ce 6 août, après de violents coups donnés par ses parents, Marina est laissée seule, sur le sol de la cave. "J'ai mal à la tête, au revoir maman, à demain". Le père signale sa disparition avant d'avouer le meurtre de sa fille. Il conduit les enquêteurs à l'endroit où il a déposé Marina : dans une caisse en plastique remplie de béton, de draps et de plastique. Il avoue également l'avoir caché dans la cave, puis dans le congélateur familial. Ils seront tous les deux condamnés à 30 ans de prison, assorti d'une période de sûreté de 20 ans. Le père ne fera pas le tiers de sa peine ; il décède en 2016 des suites d'un cancer.
Ce film est l'histoire de beaucoup trop d'enfants. Mais loin d'être larmoyant, il est bouleversant. Construit intelligemment, aucune réponse n'est apportée sur les raisons des agissements. On mène l'enquête avec les maîtresses, les directrices. On hésite, on doute. Puis on s'y résout. Même si l'on a jamais vraiment de réponse. Comment ? Pourquoi ? Quand ? Car pas une seule fois la réalisatrice ne mettra en scène de la violence. Les imaginer suffit. Bouleversant.
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le 18 nov. 2020
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