Je ne suis pas un bon client pour le cinéma d'horreur, non pas que je n'aime pas ce genre, car même si je suis loin d'avoir tout vu notamment parmi les plus récents, j'ai quelques références charnières dans ma cinéphilie, mais plutôt parce que l'effet escompté ne prend que très rarement chez moi. Ces films peuvent me mettre en tension, m'impressionner, me surprendre parfois ou bien carrément me faire rire, mais il est rare qu'ils me fassent vraiment peur. Peur au sens primaire, la peur enfantine tapie au fond de nous, la peur irrationnelle qui paralyse.


La Malédiction (1976) réussit encore aujourd'hui à me procurer ce sentiment paradoxalement inconfortable mais recherché. Ce film découvert trop tôt, grâce ou à cause d'un cousin plus âgé qui me l'avait montré quand j'avais 6 ans, compte parmi les 2 ou 3 films qui me font peur vraiment.


En le revoyant, j'ai réalisé que ce qui pour moi rendait ce film vecteur de peur, n'était pas tant toute l'eschatologie qui y est déployée, non pas les événements en eux-même, mais l'ordinaire d'où ils émergent. Ce ne sont pas des monstres ou des entités indéfinis que l'on voit, mais un enfant - certes fils du diable et voué à être l'antéchrist du livre des révélations - c'est un simple chien dont à la présence angoissante répond ses grognements tout autant oppressants, c'est un curé, une nourrice et d'autres personnages dont l'inquiétant parait sous une absolue normalité, voire banalité. Ce quotidien qui sert de théâtre et de décor à l'accomplissement d'une prophétie qui si elle émane d'une dimension surnaturelle, use de la banalité réelle pour exister.


Postérieur au chef d'oeuvre de William FRIEDKIN, L Exorciste (1972) j'aime à les comparer, d'une part pour leur postulat assez similaire et faisant intervenir les mêmes légendes, récits et autres mythes fondateurs de nos sociétés judéo-chrétiennes sans toutefois les singer ou chercher à les rendre plus surnaturelles qu'elle ne le sont déjà, d'autre part dans leurs mises en scènes respectives et leurs constructions en crescendo.

J'ai encore une fois été surpris de constater à quel point une image simple, un montage précis et des personnages justes peuvent suffire à créer non seulement une ambiance qui moi m'effraie toujours même en rationalisant le tout mais également se jouer et se défaire du problème inhérent à toute oeuvre, à savoir les affres du temps, l'on voit bien que nous sommes à une époque passée et pourtant l'ensemble reste très moderne et les faits dont on est témoins pourraient tout à fait s'inscrire dans notre actualité.


Un autre monument du film d'horreur viendra lui aussi quelques années plus tard extraire les peurs d'un quotidien navrant de banalité et où la peur se distillera petit à petit pour finir par envahir tout l'espace, un film qui cite la malédiction comme un hommage et comme un adoubement en reprenant l'image de l'enfant et de son tricycle, c'est Shining (1980)


Les deux derniers points qui me rendent ce film à la fois culte et génant sont la musique et la bande son d'une façon générale et Damien, l'enfant maudit, dont la caméra saisit avec maestria tout l'inquiétant, je n'arrive toujours pas à déterminer si c'est le jeu du jeune Harvey STEPHENS, si c'est sa nature profonde ou si Richard DONNER est parvenu à ne garder sur pellicule que ces moments où l'angoisse nait d'un visage d'enfant idéalement innocent.


L'un des rares films qui a sur moi ce pouvoir de réveiller la peur, est un court métrage espagnol La Cabina (1972) qui lui m'a rendu claustrophobe et dont le postulat lui aussi est de réveiller des peurs à partir d'un quotidien sans rien de remarquable.


Il est évident que les spectateurs habitués ou plus réceptifs aux films d'horreur seront décontenancés par cette oeuvre qui leur paraitra lisse et dépassée mais encore aujourd'hui ce film est pour moi à la fois un chef d'oeuvre et une épreuve.

Spectateur-Lambda
10

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Créée

le 4 août 2022

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