Huit ans. Ca fait huit ans que Chucky n'avait pas donné signe de vie. Huit ans qu'il avait été enterré à cause du "Fils de Chucky", qui était un épisode non seulement merdique, mais qui mettait aussi la saga dans l'impasse pour une suite. D'ailleurs pendant longtemps, il était question d'un remake du premier film.
Et là, Chucky revient, toujours grâce à Don Mancini, qui a écrit chaque film jusque là, et qui n'a rien fait d'autre de sa carrière depuis "Jeu d'enfant".
Mais le nouveau film est un direct-to-video, Chucky y est en partie en images de synthèse, et la bande-annonce ne présageait rien de bon non plus.
Pourtant, en voyant les premières critiques, majoritairement positives, j’ai été rassuré… à tort.
Dans Curse of Chucky, une famille avec une fille en fauteuil roulant reçoit par erreur la poupée Chucky.
Ca fait tellement plaisir de revoir Chucky, juste le revoir, resplendissant : quand il est sorti de son emballage, je n’ai pu réprimer un sourire.
(j’ai été pris d’une envie soudaine d’en avoir un moi-aussi, mais on n’en trouve aucune réplique de bonne qualité sur internet, j’ai cherché pendant au moins 30mn)
J’aime bien le fait que Chucky ait retrouvé son look d’avant, celui de la poupée "Good guy" intacte, au visage tellement angélique que c’en est creepy.
Mais sans raison, avant que la poupée ne dévoile sa vraie nature à ses nouveaux propriétaires, on a déjà des plans qui gâchent tout où ses yeux sont révulsés, injectés de sang.
Quand Chucky se fait câliner par la gamine de la famille, ses pupilles se dilatent… ça n’a aucune logique, et pourquoi montrer ça aux spectateurs qui, eux, savent que la poupée est vivante ? C’est pour la même raison que sont inutiles tous ces moments où la poupée tourne les yeux, où elle disparaît, et à chaque fois les personnages s’étonnent, mais sans se poser plus de questions que ça… Ca ne fait que ralentir le film, ça ne crée aucun suspense.
Mais Don Mancini est aux antipodes de la finesse, il insiste sur des points qui n’en ont pas besoin. Il y a ce long et lent zoom sur de la mort au rat mise dans un plat par Chucky, jusqu’à ce qu’on arrive à un très gros plan, qui permet de discerner chaque miette de poison dans l’assiette, comme si on en avait besoin, puisqu’on vient de voir Chucky verser le poison dedans !
On ne sait pas à qui revient le plat empoisonné, c’est de là que pourrait venir le suspense, mais on s’en fout, car on n’a pas eu le temps de s’attacher aux personnages.
Certes, le film prend soin au début de donner un peu de relief aux protagonistes (l’héroïne, Nica, qui se fait draguer ; son conflit avec sa mère, etc), mais par la suite on ne voit que des caractérisations grossières : le père qui flirte ouvertement avec la nounou, la mère superficielle nommée Barbie (ah, que c’est subtil ! Chucky vs Barbie !). Mais le prix du facepalm revient à la révélation sur la nounou…
L’actrice principale est la fille de Brad Dourif, inutile de dire que ça sent le piston, mais on ne peut rien reprocher à son jeu, bien que ça n’aide pas plus à s’identifier à elle.
Mais Don Mancini croit vraiment qu’il peut parvenir à créer du suspense, ce qui est triste. Lors de la scène du repas, il retarde le moment fatidique où quelqu’un va être empoisonné, mais en employant des procédés usés jusqu’à la corde, et plus ridicules que jamais. Alors que la petite fille s’apprête à porter une cuillère à sa bouche, son père la stoppe brutalement, presque en criant, tout ça parce qu’il veut… porter un toast avant. Il refait son cinéma après, se tenant la gorge pour éructer "oh my god… it’s delicous !". PUTAIN QUE C’EST LOURD !
C’est pareil avec la bande-son, par moments très efficaces, avec cette mélodie entre innocence et horreur qui évoque fortement la BO de certains films de Dario Argento, mais le reste du temps la musique est caricaturale, elle en fait des plombes. Voilà encore un film où le réalisateur s’appuie surtout sur la musique pour nous faire sursauter, alors que ça devrait être par la force des images et de la mise en scène.
Evidemment, Curse of Chucky est aussi bourré de jump-scares idiots. "Oups, je me suis faufilée silencieusement derrière toi, mais je ne voulais pas te faire peur", et autres classiques comme l’orage qui fait claquer une fenêtre.
Il y a quelques plans sympas, comme ce travelling autour de Chucky durant lequel est effectué une transition nuit/jour, mais sinon la réalisation est, comme le reste, lourdingue. Une femme porte Chucky sous son bras, hop, on fait un multiple raccord dans l’axe jusqu’au visage de la poupée, sans vraiment de raison.
On ne peut même pas compter sur le gore. La plupart des morts sont rendues ridicules soit par une idée stupide, soit par de mauvais effets spéciaux, basés beaucoup trop sur les CGI. Même Chucky est en CGI, et il n’a nullement la classe de la poupée animatronic.
Concernant l’histoire, la famille de l’héroïne se retrouve liée au passé du tueur Charles Lee Ray, aka Chucky, de façon grotesque. Quel hasard, alors que tout le monde regarde un vieux film de famille, on découvre à l’arrière-plan un voisin, Charles lui-même. J’ai éclaté de rire en le voyant : on essaye de rendre l’acteur Brad Dourif "jeune" en lui faisant porter une perruque et des lunettes de soleil qui lui donnent l’apparence de Tommy Wiseau, la star du nanar "The room".
On apprend plus tard que ça fait 25 ans que Chucky veut retrouver cette famille, pour les tuer. Qu’il est patient ! D’autant plus qu’il n’a jamais parlé d’eux jusque là.
Un des seuls vrais plaisirs de Curse of Chucky, c’est de pouvoir entendre à nouveau Chucky, qui a toujours de bonnes répliques, et qui est toujours doublé par Brad Dourif, excellent comme à son habitude. Et entendre Chucky ricaner, je ne m’en lasserai jamais.
Les allusions au reste de la saga font plaisir aussi, comme lors de ce beau moment où l’on apprend la nature de ce film-ci, reboot ou suite, ou comme lors de cette scène post-générique, vraiment géniale. En fait, c’est le meilleur moment du film !
On retrouve aussi une tête familière à la toute fin, accompagnée d’une explication quant à l’arrivée de Chucky dans la famille de Nica… mais du coup ça rend encore plus débile le fait que Charles Lee Ray ait attendu 25 ans. Pourquoi Mancini a-t-il choisi de prendre en compte tout le temps qui s’est réellement écoulé depuis le premier film ? Ca ne lui a pas posé problème de faire croire que Dourif était 25 ans plus jeune, dans les scènes de flashback !
Curse of Chucky est mou, et on n’a ni assez de gore ni assez d’humour pour rattraper l’absence de suspense. Même l’idée de la fille en fauteuil roulant est mal exploitée, à aucun moment je n’ai ressenti le désarroi de la fille piégée par son handicap. Certes on la voit ramper au sol ou dans les escaliers, mais rien que des plans plus serrés et/ou durant plus longtemps auraient permis au spectateur de se sentir physiquement plus proche, de traverser un calvaire avec elle.
On ne peut dire que j’attendais grand-chose du film, mais quand même, quelle déception. On n’avait pas vu Chucky depuis longtemps, et voilà à quoi ressemble son nouveau film…
Comme dirait la gamine dans le métrage : "Chucky, stop cursing !".