Chuck nourrice, l'esprit de l'enfoiré.
Chucky est un vestige. Vestige d’une décennie prolifique et barrée, créative malgré le foisonnement de productions dispensables dont elle fut aussi le théâtre. Vestige d’une époque riche en boogiemen de toutes sortes, figures iconoclastes et emblématiques représentatives de la perte d’une innocence qui s’annonçait paradoxalement, malgré l’insouciance affichée alors. Et quoi de mieux qu’une poupée pour cristalliser l’idée ?
Et puis surtout, quoi de mieux qu’une poupée pour foutre les jetons, hein.
Ce qui est bien avec Chucky, c’est qu’il compense avec deux trois répliques bien senties, histoire de dédramatiser. « He curses », comme dirait l’autre. Il jure, quoi. Je me rappelle le défi lancé à ma peur de ces objets de plastique ou de porcelaine, imitations de vie trop sage pour être honnêtes, en lançant la VHS de Child’s Play. Et là, voir une vieille se faire traiter de connasse après avoir qualifié la poupée en question de moche, moi ça m’a fait rire. Grassement.
Aux prochaines élections j’avais juré que je voterai Chucky.
Les suites on les connaît. Un deux bancal, trois on saute (sens imagé bien sûr), et quatre on recommence mais celui là c'est moi qui l'ai sauté. Et là boum, Chucky revient, DTV surprise, DTC j’espérais pas en tout cas.
Dourif brade ( ! ) sa fille pour l’occasion, Mancini remet le couvert et promet de l’effet en dur, la plupart du temps, histoire de rassurer les vieux réacs comme moi. Et pis bien sûr Dourif double la poupée de sang, sinon c’est pas vendeur.
Bon.
Artistiquement on a bien la touche DTV avec éclairages cheap et photo grossière, Mancini film toujours comme un réalisateur de téléfilm, et question scénar, ça se tire sur la nouille avec la bulle au nez dans le fond. Passée l’enthousiasme du début lorsque la poupée apparaît et que la petite mélopée faussement légère se fait entendre, on est bien forcé d’admettre que les retrouvailles seront foireuses.
Personnages insupportables et chiants dont ne ressort uniquement du lot que la fille à papa, pseudo meurtres soporifiques, une heure d’attente avant de réellement voir le Chuck à l’action —budget oblige ?, conclusion apportant un semblant d’intérêt tardif mais seulement après un twist foireux, et surtout audaces techniques inexistantes.
Prenez Chucky 2 revu récemment, naze et faussement drôle. Malgré tous les défauts, je reste encore impressionné par ses plans larges et ses travellings sur la poupée en marche, s’exprimant et gesticulant avec cette fluidité irréelle, inquiétante et fascinante qui sied tant au concept. Le film regorge de séquences d’animatronics aux petits oignons, un vrai régal technico artistique qui rattrape la connerie ambiante. Ici, en dehors de trois catch-phrases crachées avec quelques fulgurances d’expressivité réussies, rien n’émeut ni ne surprend ; rien ne fait illusion. Je parlais d’illusion de vie, ici la misère est cachée par la sous exposition et le faux hors champ.
Ironiquement, le film est tout aussi prisonnier de sa forme que son personnage titre.
La conclusion ressemble autant à un clin d’œil qu’à un sursaut, et un cliffhanger post générique annonce d’éventuelles séquelles. Bien que je doute de l’intérêt d’une telle entreprise quand l’intrigue elle même semble tuer la mythologie dans l’œuf, je me surprends à espérer que ce rouquin de malheur va revenir jouer à cache cache d’ici peu, et qu’on s’amusera bien.
Tu parles, Charles.