Un titre qui ne laissait pas de m'interpeller depuis que je l'avais entendu : la maman et la putain, ces deux images de la femme entre lesquelles l'homme oscille depuis toujours, la mère, dispensatrice d'amour et de tendresse, et la putain, promesse de plaisir(s), transgression d'interdits et passage à l'acte de désirs inavoués.
Le film est sorti en 1973, dans la mouvance de l'après 1968, autant dire qu'il est le témoignage d'une période et d'une génération et l'impitoyable constat des moeurs affectives et sexuelles de l'époque.
On est loin finalement du "jouissez sans entraves" que prônaient les jeunes "révolutionnaires" qui voulaient refaire le monde.
J'ai découvert avec surprise un Jean -Pierre Léaud bel éphèbe brun devenu pour l'heure Alexandre, dandy oisif et narcissique qui après une rupture amoureuse promène sa dégaine nonchalante et son ennui entre Montparnasse et St Germain des Prés, tuant le temps avec un livre dans les cafés branchés.
Un ténébreux à l'oeil caressant qui ne déplaît pas aux filles, alors quand l'une d'elles croise son regard aux Deux Magots et le dévisage pour mieux l'envisager, il n'en faut pas davantage pour qu'il lui emboîte le pas :
je ne peux aimer que si l'on m'aime"
se plaît-il à répéter.
Veronika lui rappelle sans doute un peu sa Gilberte, héroïne proustienne par excellence, son amour perdu : même pâleur, mêmes cheveux tirés, même regard bleu et triste, la blonde slave est infirmière, aux antipodes de la piquante Marie "la vieille de 30 ans" chez qui Alexandre, parasite charmeur aux allures d'enfant gâté a élu domicile.
Il est à un tournant de sa vie, prêt à quitter une adolescence qui lui colle à la peau.
On l'aura compris , souffrance et tourment amoureux sont au coeur du film et le temps se passe, s'étire et se perd en longues scènes de discussions dans les chambres et les cafés où l'on boit, fume beaucoup, tout occupés que l'on est à se découvrir, se dévoiler, se confronter et parfois s'aimer.
L'amour il en est d'ailleurs question tout le temps car sous ses airs de femme libérée, Marie, Bernadette Lafont désirable, corps mince et formes pleines, aime sincèrement ce jeune amant qu'elle materne et convoite, tour à tour mère et maîtresse, connaissant les affres de la jalousie mais acceptant finalement cette relation à trois qui va prendre un tournant inattendu.
Et c'est les larmes aux yeux que j'ai écouté Véronika, je ne connaissais pas Françoise Lebrun, peut-être son seul rôle, parler d'amour, le crier, se vider de cette souffrance connue au fil du temps, au fil des hommes qui l'ont désirée, prise et possédée selon leur bon vouloir et leur bon plaisir, elle qui ne voulait qu'aimer.
Une réalisation qui vous laisse pantois, un "monument" du cinéma que je ne pouvais pas rater.