Réalisé la même année que son chef d’œuvre, Il Sorpasso (Le Fanfaron), avec de nouveau Vittorio Gassman, cette fois accompagné par un des monstres du cinéma italien, Ugo Tognazzi, La Marche sur Rome revisite la grande histoire en mettant en branle avec toujours un grand sens de la dérision et une intonation fortement acidulée, caractérisant l’œuvre de cette immense cinéaste que fût Dino Risi.


Au lendemain de la première guerre mondiale, Domenico Rocchetti, formidablement interprété par l'immense Vittorio Gassman, un ancien soldat désoeuvré, qui s'invente un passé se laisse embrigadé par opportunisme, dans un nouveau mouvement naissant, le fascisme qui engage sa marche sur la Capitale, embrigade un ancien compagnon d'arme, très influençable, Umberto Gavazza, à qui Ugo Tognazzi prête ses traits. Tous les deux suivent le mouvement en marche sans vraiment en comprendre la teneur. Ils sont deux corniauds dans la grande marche sur Rome, deux acteurs dépassés par les événements de l'histoire.


Pour revisiter l'histoire de son pays, Dino Risi est une sorte de pendant anarchisant des grands cinéastes du néo-réalisme. Quand un Rossellini ou un De Sica montre l'histoire sur un ton grave, le réalisateur des Monstres, use de son sens de la dérision et sa vista tragi-comique pour appuyer là où ça fait mal.


L'histoire de ce duo d'opportunistes, un peu crétins, embarqués dans la grande roue à broyer de l'histoire est bien plus démonstrative que n'importe quel pamphlet moralisateur ou autre dogme idéologique. Risi use des ficelles de la comédie, même dans les moments les plus graves, pour montrer les ravages des grands courants idéologiques. Ici les deux courants en question, le fascisme et le marxisme sont les deux mamelles vers lesquelles il n'y a pas d'autres possibilités de se tourner. Nos deux "héros" embrigadés sans convictions dans le mouvement le plus offrant, par pur opportunisme vont marcher sur Rome. Historiquement, cette marche installera Benito Mussolini sur le trône de l'Italie pendant 20 ans.


Parfaits dans leur rôle respectif, Gassman et Tognazzi subliment leur jeu, le premier avec toute sa gouaille latine et son phrasé délicieux et le second avec son air d'ahuri grincheux et son allure de chien battu. Doublé d'une mise en scène faite de scènes courtes au fort potentiel comique malgré la situation tragique, la parfaite maîtrise de Dino Risi dans la mise en application situationnelle de ses personnages, donne à ce film une sorte de facilité qui découle d'elle-même, mais toujours maîtrisée et délicieusement agrémentée d'artifices basiques du cinéma comique. On y distribue des baffes, on se casse la gueule par terre, les deux monstres Gassman, Tognazzi y entament un ballet fait de surjeu et de gouailles latines, parfaite osmose caractérisant la grande comedia dell'arte. Donnez ce genre de rôles à n'importe quel acteur lambda et la dimension bouffonne et grandiloquente tourne rapidement au ridicule. Avec Ugo et Vittorio on est dans la dimension ubuesque et la délicieuse harmonie. Avec Risi à la baguette on touche au sublime.


Réaliser la même année, deux incontournables de la comédie à l'italienne, ça laisse rêveur quant au potentiel de ce génie du cinéma.

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le 23 janv. 2017

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