Un restaurateur normand vieillissant tombe amoureux de la jeune soeur de sa maîtresse.Le film va consister en un long bras de fer entre ce séducteur cynique qui ne croit pas à la durabilité de l'amour et cette fille qui désire se donner à lui mais refuse de n'être qu'une conquête provisoire.En 49,les grandes oeuvres de Carné étaient derrière lui et "La Marie du Port" est un jalon mineur de sa filmographie.On y retrouve cependant la qualité habituelle de sa mise en scène.Des plans clairs,simples et efficaces,aucune scène inutile,chacune faisant avancer l'intrigue.Le réalisateur s'appuie sur un scénario,tiré d'un roman de Simenon,assez original et plutôt osé pour l'époque,étayé par de solides dialogues.Il est entouré de toute sa fine équipe.Jacques Prévert,dont ce sera la dernière collaboration avec Carné,a écrit les dialogues en question sans en être crédité.Joseph Kosma est à la musique,Henri Alekan à la photo,et Alexandre Trauner aux décors.Le film témoigne d'une France qui a disparu.Un pays régi par des principes forts et contraignants,mais où on pouvait en toute liberté boire,fumer,s'invectiver,conduire sans limitation de vitesse ni ceinture de sécurité.Un pays pas encore mis en coupe réglée par toute une batterie d'obligations et d'interdictions,pas encore pollué par le flicage systématique,la judiciarisation envahissante,le terrorisme intellectuel et le harcèlement des groupes de pression.Un pays où il restait encore un peu de l'esprit de la Révolution Française.Le film prouve aussi accessoirement qu'on n'avait pas attendu la Nouvelle Vague pour tourner en décors naturels et le littoral normand,la ville de Port-en-Bessin principalement,y est très bien utilisé.Ce qui handicape l'oeuvre,c'est l'histoire,qui manque de ressorts dramatiques et d'enjeux forts.Simenon est un auteur intimiste qui passe mieux à l'écrit qu'à l'écran,comme le démontrent les nombreuses adaptations soporifiques qui ont été faites pour la télé de la série des "Maigret".Gabin fait étalage de sa puissance coutumière dans son emploi habituel de tombeur macho cachant derrière sa verve gouailleuse et son abord rugueux une fragilité inquiète dès qu'une femme lui occupe le cerveau.Face à lui,la belle Nicole Courcel est d'une parfaite justesse en lolita toujours sur le point de succomber mais gardant le cap grâce à sa détermination obstinée.Blanchette Brunoy est excellente en concubine délaissée et sans illusion,tandis que défile une galerie de grands seconds rôles de l'époque comme Louis Seigner,Julien Carette,Jane Marken,Olivier Hussenot ou Odette Laure.