La mariée était en noir par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ce samedi là, Julie est une jeune mariée radieuse sortant de l'église au bras de son nouveau mari, un copain d'enfance. Le blanc lui va si bien... A ce moment, un coup de feu éclate et la balle tue net le marié. Or dans un appartement face à l'église cinq copains adeptes des armes à feu jouent à un jeu stupide. Se rendant compte des conséquences de leur acte, ils ont tout juste le temps de s'enfuir. C'est alors que l'enquête de Julie pour retrouver les coupables va commencer et la tenue blanche va alors virer au noir, celle de la mort qu'elle décide d'infliger aux acteurs de ce meurtre qui aura brisé sa vie. Méthodiquement, elle va tenter de remonter la filière en employant les ruses les plus sophistiquées afin d'assouvir sa soif de vengeance au mépris de sa vie brisée.


La tendre mariée devient glaciale, perverse en décidant d'éliminer ceux qui en tuant son époux ont meurtri son coeur et assouvi sa haine. Elle part seule un jour de chez elle pour l'exécution: des exécutions cruelles, froides au cours desquelles elle va exploiter au maximum la personnalité, voire la profession de ses victimes, afin de leur promettre une mort en rapport avec ces paramètres. Pour en arriver là elle se montre aussi bien ange que démon, laissant planer autour de ses victimes un mystère emprunt d'érotisme mais aussi de froideur. Chaque victime participera et mettra même en scène son propre assassinat, tel le peintre désirant la représenter en "Cupidon" munie de son arc et de sa flèche sur une toile qui sera sa dernière. Face à la perversité d'une Julie transfigurée, les futures victimes se livrent, racontent à leur manière la scène qui a brisé en quelques secondes la vie de Julie. Elle aussi absorbe telle une autoflagéllation ce breuvage de paroles et de souvenirs, sa vie s'étant arrêtée ce samedi là sur les marches d'une église au son des cloches. C'est ainsi que sa vengeance assouvie, elle aura donné un sens à sa vie et que si celle-ci doit la fuir, son esprit sera libéré d'un terrible poids.


Voici le premier film noir de François Truffaut. Le réalisateur avait le regret d'avoir fait par ce drame l'apologie de l'autodéfense, ce qui n'entrait absolument pas dans son idéologie. Il faut voir plutôt dans ce remarquable film l'analyse méthodique d'un être sensible qui, à la suite d'un bouleversement de son existence, peut se transformer d'ange en démon. François Truffaut déroule son intrigue lentement et méthodiquement avec infiniment d'inattendus et même de sensibilité malgré le thème violent de l'oeuvre. A ce propos, dans le déroulement de cette histoire, on peut constater une certaine convergence avec l'intrigue des "Kill Bill" de Quentin Tarantino : personne ne peut tracer à l'avance sa vie, ses réactions, chacun pouvant se métamorphoser au gré des évènements qu'il subit. Ainsi le commandement "Tu ne tueras pas" devient un bon enseignement mais pas dans ce cas une science exacte. Jeanne Moreau dans l'interprétation de cette malheureuse mariée est sensuelle, sobre et froide. Son talent la rend émouvante voire énigmatique et l'on ne peut que reconnaître qu'elle effectue dans cette oeuvre l'une de ses plus belles compositions. Claude Rich, Jean-Claude Brialy, Michel Bouquet et Michael Lonsdale sont remarquables dans leurs rôles de gens "bien comme il faut" ayant refait leur vie sans trop se sentir torturés par le souvenir de cette macabre journée. Je décernerais une mention spéciale à Charles Denner, tout à fait excellent dans son rôle de peintre séduit et subjugué par son modèle au point de mettre en scène sans le savoir son propre meurtre.


Voilà encore un film de plus à sortir de la boîte à chef-d'oeuvres de François Truffaut. Il demeure l'un des plus surprenants de sa carrière et l'un des plus beaux malgré les interrogations que se posait le réalisateur sur l'apologie d'une idée qui n'était pas la sienne. C'est pourquoi ne boudez surtout pas cette oeuvre aussi passionnante que bouleversante.

Grard-Rocher
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le 30 avr. 2014

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le 29 avr. 2014

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