Il était 10h30, les mariés posaient à la sortie de l’église quand le coup de feu a claqué. Quoique sauve, Julie Kohler est anéantie par la mort de son époux. Le suicide lui étant interdit, elle tuera. Jeanne Moreau porte le film sur ses épaules. Pour seconds rôles, Truffaut a choisi des acteurs d’exception qui habitent, en quelques brèves scènes, des rôles parfaitement écrits. Claude Rich (Bliss) reprend, en plus jouisseur, son jeu des Tontons flingueurs ; le charmeur jeune homme de bonne famille. Michel Bouquet (Robert Coral) est le timide besogneux. L’industriel arriviste aux ambitions politiques est joué par Michael Lonsdale (Clément Morane). Le sale type est interprété par Daniel Boulanger (Delvaux), maquignon véreux en véhicules maquillés ; goutons cette rare occasion de voir ce talentueux poète et scénariste. Cavaleur impénitent, Charles Denner (Fergus) est un artiste peintre en vogue. Enfin, Jean-Claude Brialy (Corey), l’ami de deux victimes, identifiera Julie.
Les comédiens sont justes, la mise en scène irréprochable, pourtant le résultant est insatisfaisant. Désincarné, le personnage de Julie ne convainc pas. Edmond Dantès est la référence obligée en matière de représailles. N’a-t-il pas ourdi vingt-trois années durant sa vengeance ? Pourtant, après trois « exécutions », il épargnera Danglars et, doutant du bienfondé de ses actes, quittera définitivement la France pour refaire sa vie.
Or, Julie Kolher est déjà morte ! La mariée était en noir n’est qu’un brillant exercice de style : une femme est meurtrie par cinq inconnus, filmons sa vengeance. L’originalité ne sera pas à chercher dans le suspense, mais dans la manière : lors des crimes, la morte-vivante modifiera son apparence pour revêtir celle de l’idéal féminin de chacune des victimes. Truffaut ne poursuit manifestement pas une quête de réalisme !
PS Le scénario est tiré d’un roman (vraiment) noir de William Irish : son héroïne découvre qu'elle a tué des innocents.
Octobre 2018