Le diable a des tresses blondes
Certains vous diront : les enfants, c'est une joie perpétuelle, la continuité générationnelle, le futur de l'homme, la promesse d'un espoir. Assurément, ils n'ont pas vu ce film.
Avant tout, précisons : le film est tiré d'une pièce de théâtre (et elle-même d'un roman), ce qui justifie en partie son aspect volontairement théâtral et également la *presque* unité de temps et de lieu.
Ce film a d'ingénieux qu'il nous présente une famille bien comme il faut des années 50 : une femme au foyer parfaite et aimante, un papa militaire (forcément un "gars bien" donc), une grand-mère sympathique et amusante et une petite fille aux ravissantes tresses blondes, véritable fantasme nazi ambulant qui aurait pu sortir du "village des damnés". Évidemment, dès le début du film on la déteste, quoi de plus irritant qu'une petite fille bien élevée à la limite de la condescendance ? Ses petits sourires intéressés, ses révérences exagérées, son obéissance simulée, font qu'immédiatement comme le dira David Lynch plus tard : "elle était si bonne, si gentille, qu'elle ne pouvait qu'être mauvaise !"
Et c'est au moment où l'on réalise cela que l'on va l'adorer. Cette petite fille Rhoda, de son charmant prénom, est la petite fille parfaite, exceptée qu'elle est tout sauf ça. Le film commence alors un peu avant que la radio locale annonce qu'un enfant s'est noyé lors d'une sortie avec son école. Rhoda revient donc passer le reste de la journée à la maison, mais nullement affectée par cette tragédie. La mère, retrouvant un objet volé au garçon noyé, va commencer à avoir des soupçons sur sa fille... Au demeurant, durant cette journée plusieurs personnages vont défiler, chacun venant renforcer la conviction que Rhoda outre sa perfidie habituelle, n'en serait pas à sa première victime.
Passés quelques défauts : des cadrages un peu maladroits, une journée vraiment "très" longue pour tous ces évènements, et une musique un peu irritante, il faudra retenir à tout cela les qualités indéniables du film : un scénario étoffé, et des comédiens formidables : la mère avait gagné un Tony award au théâtre pour ce même rôle, l'actrice jouant Rhoda et sa voix éraillée, pas vraiment mignonne mais juste assez ambigüe pour passer de la jeune fille exquise à la brute, et la grand-mère sorte de pilier faussement rassurant. L'intrigue file à toute vitesse, les passages "explicatifs" sur le comportement de Rhoda sont peut-être un peu de trop, surtout de nos jours, mais viennent marquer le fait que le film reste "daté".
Le spectateur étant dès le départ dans la complicité avec Rhoda grâce à des plans serrés sur ses expressions lorsqu'elle est seule ou certains commentaires "off", on peut dès lors mieux apprécier et devancer ses agissements : le passage où Rhoda quitte la pièce avec des allumettes à la main, 5 minutes avant que l'on entende des hurlements est tout simplement génial.
Seul regret : la fin osée et audacieuse de la pièce et du roman a été complétée pour être adaptée au "code hays" en vigueur à l'époque, elle reste néanmoins très proche de l'esprit de la pièce.
Film pro-IVG assumé. Difficile de ne pas être d'accord.