Très atypique, La mauvaise Réputation, le second long métrage de la Norvégienne d’origine pakistanaise Iram Haq l’est assurément. Une famille pakistanaise est installée dans une ville provinciale de la Norvège, mais reste très attachée à ses traditions et ses valeurs. La première scène montre la protagoniste Nisha (Maria Mozdah), l’adolescente de la famille, traîner avec ses amis du quartier, étonnamment multicolores par rapport à la vision habituelle que l’on a de la Norvège dans le cinéma produit par le pays. Un contexte social que la cinéaste pose d’emblée, non pas pour justifier un quelconque communautarisme, mais pour peut-être expliquer que ces traditions soient si ancrées dans cette famille qui n’est entourée finalement que de ses semblables.
Nisha est donc une jeune femme intégrée dans une société occidentale, tout en étant très attachée à sa famille et en y étant très à l’aise. Le choc des cultures n’est pas un problème en ce qui la concerne, elle qui est plutôt l’exemple parfait d’une intégration réussie. Mais très vite, la situation dérape lorsqu’un soir, Mirza (Adil Hussain), son père, la surprend dans sa chambre avec Daniel, un jeune homme qui n’est même pas encore son petit copain.
La violence des situations ne quittera plus le film jusqu’à son issue, ou presque. La violence de la réaction du père est inouïe, à l’aune de son déchirement entre l’amour réel pour sa fille et les réflexes quasi- ataviques en ce qui concerne les fameuses traditions. Ne parlons même pas de celle de la mère, la véritable gardienne des mœurs, la police de ses propres enfants qui ne doivent vivre que pour une seule chose, éviter le déshonneur, la mauvaise réputation du titre, et au contraire accumuler les sources d’admiration des autres, comme le métier de médecin ou un mariage prospère. Si on n’avait pas eu la connaissance du caractère au moins partiellement autobiographique de l’histoire racontée par Iram Haq, on crierait facilement à l’exagération et à une volonté manifeste de faire pleurer dans les chaumières, tant les drames succèdent aux malheurs dans la vie de la jeune Nisha. L’atmosphère est ainsi assez noire, étouffante, traduisant la souffrance du personnage, et probablement celle de la cinéaste, ainsi que le côté kafkaïen de la situation.
Le rythme de La mauvaise Réputation est soutenu, comme pour accentuer encore l’impression d’asphyxie du personnage. A peine y a-t-il eu cet épisode dans la chambre de la jeune fille qu’un engrenage sans répit s’en est ensuivi, tombant sur elle comme une chape. Porté par une jeune actrice très convaincante et énergique, mais également par tout un ensemble de casting (indien) très professionnel, le film essaie cependant de faire quelques pas de côté pour élargir son propos vers d’autres problématiques plus ou moins liées de la société pakistanaise, comme par exemple la corruption sordide de et vers certains représentants de l’autorité. Tout se passe comme si la vie de ces Pakistanais n’était qu’extérieure, que paraître, au détriment des aspirations personnelles des hommes, mais surtout des femmes. Car sans être purement féministe, La mauvaise Réputation fait la part belle à la résistance d’une jeune femme face à une société qui perd le sens de la vie à force de règles séculaires si fortement ancrées que tout recul semble difficile.
La mauvaise Réputation est un film édifiant à tous les sens du terme. Il n’est pas toujours dénué d’un certain manque de subtilité, mais compte tenu de la situation, Iram Haq ne s’en sort pas si mal à raconter une histoire qui lui est si personnelle avec toute la distance qu’elle peut, alors que la dimension cathartique de son œuvre est très importante.
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