En se plaçant dans le cadre d'une colonie de vacances, au cœur d'un été des années 60, La Meilleure Façon de marcher invite dans un premier temps à adopter le point de vue d'une chronique centrée sur les enfants. Pourtant, il n'en sera rien. Ils en seront même presque totalement absents : les adultes occupent tout l'espace. Si leur présentation peut paraître un peu stéréotypée de prime abord, avec les intellos d'un côté (ceux qui regardent Les Fraises sauvages) et les moins raffinés de l'autre (ceux qui jouent au poker), les amateurs de théâtre derrière Patrick Bouchitey opposés aux sportifs bas du front emmenés par Patrick Dewaere, la relation qui se développe peu à peu entre les deux (magnifiques) Patrick est vraiment très étonnante. Qu'un tel film, produit au milieu des années 70, soit parvenu à capter cette tension sexuelle latente et asymétrique de manière aussi habile, avec un rapport à la thématique homosexuelle si particulier, a de quoi surprendre, avec le recul.
Le film n'évite pas toutes les grosses ficelles des affrontements qu'on peut imaginer entre deux personnages aussi différents, sans pour autant tomber dans la caricature de mauvais goût, mais par moments les portraits se révèlent saisissants. C'est souvent d'une intensité et d'une acuité très fortes lors d'un moment très court : lorsque Dewaere surprend Bouchitey dans sa chambre déguisé en danseuse de flamenco, lorsqu'il s'emporte dans une colère noire pour des raisons qu'il ne s'explique pas lui-même, lorsqu'il se réfugie dans l'humiliation des plus faibles et dans sa figure de meneur, etc. Dewaere est comme souvent excellent dans sa présence, dans sa légère folie, dans sa faiblesse intérieure affleurante.
Les deux hommes offrent un portrait croisé d'une richesse étonnante, des quêtes existentielles entremêlées, des chroniques émouvantes, tout un tissu narratif qui sait par moments manier la suggestion et l'allusion avec tact. Certes, certaines thématiques ont assez mal vieilli : c'est notamment le cas du groupe vu comme une source d'aliénation et la difficulté d'assumer une différence dans ce cadre normatif. Mais l'articulation de leurs rapports, avec d'un côté la vulnérabilité faussement passive et de l'autre la virilité faussement dominante, trouve un point d'orgue détonant, à la limite du surréalisme, lors de la séquence (presque) finale du bal costumé. Dewaere en toréador, Bouchitey en danseuse de flamenco : le talent des deux comédiens (celui de Dewaere, surtout, bien sûr), chacun dans son registre, parvient à sauver la séquence du ridicule pour en faire un moment tragique assez incroyable.
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