La Mélancolie
5.9
La Mélancolie

Film de Takuya Kato (2023)

Le Japonais Takuya Kato a l’honneur d’ouvrir le bal, lors de cette rentrée cinématographique 2024, avec La mélancolie, second long métrage d’un homme plus habitué à la mise en scène théâtrale que cinématographique. Première observation, le monologue de Watako qu’on entend dans la bande-annonce et qui décrit son état d’esprit est absent du film, alors qu’il situe parfaitement le personnage, ce que La mélancolie illustre tout au long d’un minutage très raisonnable (1h24). Intéressant à noter, le titre original japonais signifie « se défaire » ou « se démêler ». Le réalisateur-scénariste a même écrit une pièce de théâtre avec également Watako comme personnage principal, le même titre se comprenant là comme « s’emmêler » indiquant aussi bien la parenté entre les deux œuvres que leurs différences.


Watako (Mugi Kadowaki) est une charmante jeune femme qu’on sent toujours dans la retenue (attitude typiquement japonaise), ce qui ne l’empêche pas d’avoir un amant, Kimura (Shōta Sometani) tout en étant mariée à Fuminori (Kentaro Tamura). Sa vie bascule le jour où, rentrant d’un séjour de glamping (clin d’œil au récent Le mal n’existe pas de Ryusuke Hamaguchi), son amant meurt sous ses yeux, renversé par une voiture. Watako se montre alors sous son plus mauvais jour en n’allant pas au bout de sa démarche pour demander des secours (par peur de voir sa double vie dévoilée) puis en manquant de courage pour assister aux obsèques.


Le film tournant autour de Watako, les questions se bousculent. Pourquoi cette liaison adultère ? Comment a-t-elle débutée ? Que penser du mariage de Watako avec Fuminori ? Quelle est la situation de Kimura ? De plus, le film commence en nous montrant Watako avec Kimura lors de leur ultime escapade. On constate que là aussi, Watako est dans la retenue. En public, cela se comprend, mais dans l’abri de leur tente ? Autant dire qu’il ne faut pas s’attendre à la moindre scène d’intimité torride ou de sensualité irrésistible. Quel est le degré d’amour entre les amants ? Difficile à évaluer, même si Watako et Kimura jouent gentiment, jusqu’au moment où Kimura fait un présent à Watako, objet dont Watako finira par avouer qu’il constitue un cadeau de l’homme qu’elle aime, alors même que cet homme est mort.


Les nombreuses questions qu’on se pose trouveront des réponses au fur et à mesure des pérégrinations de Watako, car le film a le mérite de nous placer dans sa sphère intime. On comprend ainsi mieux pourquoi Watako se permet des escapades de plusieurs jours sans que son mari réagisse vraiment. Ce n’est qu’après la mort de Kimura que Fuminori, son mari, finira par faire émerger son soupçon qu’elle ait un amant. Il semblerait que Watako ne soit pas seule dans le déni. A la maison, la situation n’est pas simple, car Fuminori a un enfant d’un premier mariage (enfant qu’on ne verra jamais) et la mère de Fuminori (qu’on ne verra jamais non plus) ayant la clé de l’appartement, il lui arrive d’y venir à l’improviste, au grand agacement de Watako.


Les sorties de Watako sont fréquentes et elle prétexte depuis longtemps de retrouver son amie Eri (Haru Huroki), ce qui fonctionne dans la journée, mais au-delà ? C’est avec Eri que Watako va au cimetière se recueillir sur le caveau de famille de son amant. Et c’est là qu’elle fait la connaissance du père de celui-ci qui était en froid avec Kimura pour une histoire de… chien écrasé (similitude avec la mort du maître). Évidemment, quand Fuminori appelle Watako et qu’elle dit où elle est (piètre menteuse), celui-ci ne comprend pas. Comme il met un peu les pieds dans le plat, ce sera le signal des rencontres capitales avec révélations. Grâce au père de Kimura, Watako en apprend un peu plus sur son amant (et réciproquement) et elle va finalement avoir une entrevue avec l’épouse de son amant. Là aussi, malgré une situation forcément tendue, tout se passe dans la retenue. La mise en scène nous maintient un peu à distance, l’épouse assise, nous tournant le dos. On se dit que décidément, avec les Japonais, il n’y a jamais d’éclats. Mais, la situation trouve son apogée lors d’un face-à-face à la maison entre Watako et son mari où enfin le ton monte (brièvement).


Le titre est donc à prendre de façon freudienne, la mélancolie étant un état d’abattement proche de la dépression, qui met quelqu’un dans l’incapacité de se secouer pour prendre des décisions. Le film nous montre qu’il faut du temps pour oser aller au fond du problème, hausser le ton si nécessaire pour crever l’abcès. Bien évidemment, l’image est révélatrice (format 4/3 qui réduit le champ) dans des tons assez sombres ou neutres (dominantes de bleu, vert et marron). La bande-son est à l'avenant, avec très peu de musique. On en entend surtout au début, avec deux notes répétées de façon lancinante au piano, pour apporter une certaine tension. Le film va donc au bout de ce qu’il propose, malgré un rythme assez lent et une première partie avec le couple illégitime Watako/Kimura qu’on préférerait écourtée parce que moins intéressante que la suite.

Electron
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le 24 août 2024

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