Raconter des histoires serait un fait à remettre dans son contexte, surtout dans une période rongée par la culture de la guerre civile, dont les locaux sont fraîchement sortis. Paul Greengrass quitte l’Europe pour embrasser un Far West qui dégage des perspectives modernes et de modération. Son adaptation du roman éponyme de Paulette Jiles suggère ainsi toute une traversée des plus onirique et des plus mélancolique. Ce point fixe de l’histoire des Etats-Unis, nous ramène justement à sa définition la plus primaire, alors que les territoires du sud cessent peu à peu de s’embraser. L’intérêt vient donc de là, de toute cette mentalité que l’on décrit et qui évolue à travers la patience et l’ingéniosité d’un conteur, accompagné d’un espoir aux cheveux blonds.
Il n’est plus le capitaine à la barre d’un cargo, mais il sait toujours comment trouver les mots et motiver non pas des troupes qui se débattent pour que la cause d’autrui cesse enfin, mais bien des survivants en quête de liberté. Tom Hanks campe ainsi l’ex-capitaine Kyle Kidd, dont il partagera la délivrance avec un public qui réclame du concret, du merveilleux et une véritable transition, à l’image des pages de journaux qui se succèdent. Cette bienveillance appelle évidemment à une réconciliation que l’on apprendra à ressentir, dès l’arrivée d’une jeune Johanna (Helena Zengel), qui ne cherche qu’un bon toit où vivre et dormir. Une complicité ne tardera pas à justifier la vitalité de l’œuvre, qui se laisse autant bercer par son choix esthétique moins nerveux qu’autrefois que par la partition d’un James Newton Howard admiratif. Tandis que ces deux âmes errent dans un ultime voyage vers le foyer qu’ils souhaitent, c’est avec une grande fluidité que l’activité nomade, voire vagabonde, de Kidd apaise les maux et éveille des consciences.
Nous avons ici une nation, qui se déchire tout autant qu’aujourd’hui. Bien que les nouvelles du monde n’atteignent pas chaque individu, la plupart se regroupent autour de cette échappée, au lieu de scruter un nombril qui sert de modèle aux résistants conservateurs. Entre un racisme mal placé et du sexisme remis au goût du jour, la donne peut toutefois changer si l’on se donne les moyens d’écouter et d’interpréter à long terme. Les femmes comme les jeunes filles voient donc leur condition compromise, si bien que la société cherche à les enchaîner à des fonctions. Mais ce rapport à l’environnement qui entoure nos protagonistes ne colle pas et fait donc réagir. Il existe encore un laxisme à mater et ce n’est pas du côté de la loi que l’on parviendra à le transformer. Toutes les épreuves qu’endure le duo, à travers des tempêtes, des plateaux rocheux et des hommes, qui troquent leur humanité pour des intérêt plus primaires, les aident à surmonter cette terreur qui s’est longtemps greffée à l’esprit des impulsifs. De même, cela donne un sens à la relation du veuf et de l’orpheline, qui ne redoutent plus d’arriver à bon port, car ils auront déjà bâti les meilleures fondations pour leur foyer. Ces derniers chercheraient simplement à communiquer et à se comprendre.
L’opportunité est donc précieuse, afin de reconnecter les contrées du sud entre-elles, puis d’enfin unifier deux pôles, aux idéaux plus clairs. « La Mission » (News to the world) consiste alors à déguiser les discours du stand-up dans un but, non seulement thérapeutique, mais également divertissant pour nous autres spectateurs qui avons droit à un récit des plus envoutant et tendrement contemplatif. Bien entendu, Greengrass manque parfois de subtilité, de rythme et accentue chaque étape dans la narration, mais il reste néanmoins honnête dans la manière de présenter des personnages, convaincus de leur liberté d’expression et de ce qu’elle inspire.