Je ne suis ni un amateur, ni un connaisseur d'Hitchcock, l'un allant avec l'autre dans le cas présent car c'est mon manque d'amour pour son cinéma (dont je ne désavoue pas la qualité) qui m'empêche de m'y intéresser profondément.
Pourtant, il y a des thématiques que j'aime dans son œuvre. Ses grandes thématiques en fait ; celle des faux-semblants, des fausses apparences, celle de la machination, du crime imparfait, et de l'individu acculé.
Si la plupart du temps il m'exaspère, parfois il m'intrigue et m'intéresse.
Il m'exaspère, déjà, car je n'apprécie pas cette position de cinéaste-dieu qu'il se donne, agissant indifféremment sur et dans ses films, provoquant des mécanismes qui souvent m'énervent et me frustrent tellement ça me semble facile.
Puis il m'intéresse car j'aime la construction de la réalité à l'œuvre chez plusieurs personnages de plusieurs de ses films. Comme dans Frenzy par exemple, où un innocent est désigné comme coupable parfait à causes d'apparences, de jugements de valeurs et de détails malheureux. Ou Le Faux Coupable, où il est montré les répercutions psychiques et familiales d'un tel malentendu.
Tout cela pour en venir à La Mort Aux Trousses, classique indémodable mythique qui pourtant me fait tiquer et me comble à parts presque égales.
On l'a dit, Hitchcock aime jouer avec les crimes et les machinations imparfaites, et en même temps se délecte des faux-coupables et des apparences trompeuses. Dans le premier cas il nous dit, et s'y attarde, qu'ils/elles ne son pas possibles, et dans le second, qu'ils/elles sont courant(e)s (tout du moins que ça existe, et que c'est facile).
Or dans La Mort Aux Trousses, on a l'étrange impression qu'Hitchcock bouffe à tous les râteliers dans le but de nous offrir une histoire, une intrigue et du spectacle. Et ça sonne étrangement faux ( pour ça, voir la scène du poignard dans le dos, celle du peu d'énergie mise par Grant pour prouver son innocence, celle de l'alcool qui transforme un homme qui vient de subir une tentative d'assassinat en joyeux luron insouciant...), et ça en est presque antinomique ; la victime des apparences, chère à Hitchcock, est victime d'un complot, lui aussi cher à l'auteur quand il s'agit de passer un film entier (Dial M For Murder, par exemple) pour nous montrer que ça n'est pas possible.
La sensation d'être prit pour un con.
Mais il serait injuste de cracher uniquement les défauts du film tant, une fois ceux-ci devenus plus discrets et le premier acte du film terminé, ce qu'il nous propose est bon : de l'intrigue parfaitement menée à la beauté des plans (ceux de la cultissime séquence champ de maïs) et du maniement de la caméra, tout est maîtrisé.