En 2009, le satiriste écossais Armando Iannucci sort In the Loop et livre un portrait louftingue de l'administration de Tony Blair lors de l'invasion de l'Irak de 2003. Six ans plus tard, le natif de Glasgow reprend sa formule satirique. Mais plutôt que s'attaquer aux équipes de communication du 10 Downing Street, il réalise un pasquin burlesque sur la mort de Staline.

La mort de Staline est fascinante, à la fois de par l'appel d'air politique qu'elle suscite et à la fois parce qu'elle permet une narration rocambolesque. Voir les membres du Politburo s'émouvoir devant le coma du Père des peuples et nettoyer son urine séance tenante, c'est drôle Observer les atermoiements de Malenkov refusant de céder sa place protocolaire à Khrouchtchev, regarder Joukov crouler sur les médailles et dégurgiter ses assertions sur les membres du Politburo et admirer la performance paranoïaque de Simon Russell Beale en Béria ; c'est quelque chose d'uniquement hilarant.

Iannucci dispose d'un certain don pour filmer à toute allure les déchaînements d'une bureaucratie soviétique en proie avec son destin. Le montage de ce film est tout simplement génial et permet au casting pléthorique de dérouler leur jeu pétri de charisme.

Là où le bât blesse, c'est le caractère nébuleux de cette satire noire. Il est inutile de citer les incohérences de La Mort de Staline, elles sont si nombreuses. Mais la faute ne revient pas à la surcharge d'événements uchroniques que nous livre Iannucci dans son portrait sombre, quasi-vampirique, des apparatchiks soviétiques. Elle vient plutôt d'un certain mépris pour la culture soviétique. Par exemple, les "masses" soviétiques étaient bien plus intéressées par l'opéra que ce que veut nous faire croire le réalisateur écossais.

Le dissentiment qu'il en ressort est fatal. Pire encore, présenter Béria comme le parangon des obscénités du stalinisme élude les mécanismes réels de pouvoir stalinien ; Iannucci manque par la même occasion de "localiser" les prises comiques inhérentes au Stalinisme. Cette comédie noire n'est pas apte à ce travail comique, car elle a tendance à oublier que la paperasse bureaucratique peut s'accompagner de meurtres de masse. La liste brandie par Béria devrait être le symbole de la tyrannie de Staline, bien plus que les fusils des gardes rouges. On voit bien la terreur, on voit bien la satire comique. Mais elles n'entrent jamais en conjonction. En résumé, il manque de la banalité dans cette esquisse du mal.

mamadede
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le 23 juil. 2022

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