Use Your Illusion.
La première scène s'ouvre sur un jeune homme à l'air égaré mais sûr de lui, planté au beau milieu de nulle part. Il porte un petit bonnet, couvrant sa coupe blonde rebelle et des habits usés, signe...
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On ne présente pas Gus Van Sant, le réalisateur de Portland est l'un des meilleurs représentant du cinéma indépendant américain. My Own Private Idaho est un éclat de génie dans sa filmographie : une photographie baroque et hallucinée qui parvient toujours à donner vie à la relation personnages/décors. Une sensation d'incarnation accompagne les décors du film : les frissons du vent, le froid humide de la campagne italienne et l'étourdissement d'une route déserte. Dans My Own Private Idaho, c'est comme si on vivait dans le film. Quant à River Phoenix, il incarne à merveille la déchéance amoureuse d'un jeune prostitué queer et narcoleptique errant dans les rues de Portland.
Parlons-en de la portée politique de ce film. Considéré comme la pierre angulaire du "new queer cinema", le film de Gus Van Sant est sans concession. En associant Mike (River Phoenix) - le hustler malade et perdu - avec Scott (Keanu Reaves) - le bourgeois en rupture de ban, il parvient à témoigner d'un refus poignant d'hétéronormativité et dessine le portrait de jeunes homosexuels marginaux. Les deux misfits sont placés sous la figure quasi-tutélaire de Bob qui règne sur les damnés du sexe comme un roi bienveillant. La théâtralité de cette figure royale dont les dialogues sont piochés dans les écrits d'Henry IV de Shakespeare marque toute la première moitié du film. Le film s'affirme comme un roadtrip américain halluciné : un Stand by me dérangeant et sournois qui laisse une amertume sans pareil. Je n'ai jamais été aussi marqué par une trahison, par un sentiment d'impuissance et surtout un sentiment de marginalité. Le film est somptueux par sa fin qui reste dans les mémoires.
On comprend désormais pourquoi ce film est considéré comme le fer de lance du "new queer cinema" : Gus Van Sant est un homme qui n'a pas peur d'être outrancier dans sa photographie et dans sa narration. Un film expérimental et dérangeant pour lequel le réalisateur a mené bataille, notamment pour convaincre River Phoenix de jouer un rôle avant-gardiste ; un chant du cygne pour le jeune acteur, avant sa descente en enfer. Un chant de cygne qui laisse des profondes marques pour toute une génération, une marque qui façonne les consciences.
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Créée
le 4 sept. 2022
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