Western à l’italienne de la première période, le récit frappe d’abord par son classicisme. Deux hommes mués par un même désir de vengeance ne cessent de se croiser et de se faire quelques croche-pattes pour parvenir à leur fin. La construction est, certes, originale mais, à l’image de la révélation finale, très convenue. C’est sûrement là le point faible principal du film. Le récit ne trompe personne alors que son réalisateur a l’impression qu’il prend tout le monde par surprise. Cette naïveté est un vrai bémol. Cependant elle donne lieu à un récit initiatique original et à un chassé-croisé entre deux personnages principaux aux qualités communes (des as du tir, bien sûr) et aux personnalités différentes. Les péripéties, quant à elles, rendent l’ensemble trépidant et très agréable à suivre. Manque seulement une véritable épaisseur pour classer le film à un étage supérieur.
Où celui-ci fait mouche, c’est par certaines de ses séquences. Et, disons-le tout net, l’ouverture du film est un très grand moment de cinéma. Dans la nuit, sous la pluie et dans la boue, des bandits à cheval entrent dans une propriété pour y dérober un magot. Ce qu’ils font non sans avoir oublié de violer les femmes avant de tuer tous les membres de la famille. Seul un jeune garçon, épargné par un tiers, qui a tout vu, échappe au massacre. Tout est parfait dans cette ouverture avec sa violence évidente mais contenue, sa scène de viol qui échappe au voyeurisme et les détails repérés par le petit garçon tapi dans un coin de la pièce, puis la façon dont la maison s’embrase alors que le gamin s’est caché sous une carriole. La suite n’est malheureusement pas du même niveau mais cette entrée en matière est assurément une des meilleures qu’on puisse trouver dans le western à l’italienne. Giulio Petroni livre cependant un film très soigné avec des séquences marquantes remarquablement filmées (le duel dans le saloon, la mise en terre de son jeune protagoniste qui annonce celle de Furyo et son final pendant une tempête de sable).
Véritable vedette du genre à l’époque, Lee Van Cleef joue un personnage plus nuancé qu’à l’accoutumée et s’y révèle comme toujours excellent. Les antagonistes font mouche, Luigi Pistilli en tête, et la musique d’Ennio Morricone comporte quelques thèmes marquants. Dommage que John Philipp Law manque de charisme et donc de présence à l’écran, et que le scénario ne serve que des effets de mise en scène plutôt qu’une réelle cohérence. Pour preuves, la tempête de sable qui soudain s’arrête pour livrer son final plus mélancolique ou la horde des bandits qui, subitement, comprend qu’elle a été roulée et qui fait demi-tour. Avec quelques raccourcis en moins dans son récit et davantage de profondeur, on aurait là un très bon cru. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un résultat tout à fait appréciable.
6,5