Une place au soleil

Un mélange de film noir et de drame social très intéressant, hélas plombé par des problèmes techniques (des faux raccords en pagaille notamment), et par l'interprétation médiocre de son héroïne, incarnée par Dany Carrel.

Affublée d'une coupe de mémère qui la vieillit et l'enlaidit, la comédienne aux origines vietnamiennes (une rareté à l'époque) promène tout au long du film son air triste, sa voix atone et son visage peu expressif. Son partenaire Pierre Vaneck a également du mal à faire passer l'ambigüité de son personnage, un jeune bourgeois révolté et manipulateur.

En revanche, "La moucharde" regorge de seconds rôles pittoresques et ambivalents, tous remarquablement interprétés.
D'autant que le réalisateur Guy Lefranc porte sur ses contemporains un regard acéré et sans concession, de sorte que chaque personnage incarne une facette des maux de la société française - et plus généralement des bassesses de la nature humaine.

On croise ainsi un patron de journal libidineux (Henri Crémieux), un photographe cynique et désabusé (Paul Crauchet), un bijoutier marron (Georges Chamarat), un avocat compromis avec la magistrature (Noël Roquevert), ou encore un brave routier d'une naïveté confondante (Serge Sauvion).
Sans oublier les vrais voyous, à la morale élastique par définition (Albert Dinan, Yves Deniaud).

La nouvelle génération ne vaut pas mieux, au contraire, avec ce jeune couple obsédé par l'argent, prêt à trahir tout le monde (complices, amis, famille) pour mener la grande vie.
Adaptant un roman de Pierre Coffinet, Guy Lefranc signe un film sombre et pessimiste, dénonçant la vacuité et l'individualisme de cette société de consommation, désormais bien installée (on est en 1958).
Un film précurseur à bien des égards, en dépit de ses maladresses.